Thomas Gomart: "Pour Moscou, l'Europe a plusieurs visages"
A la veille de la victoire du candidat "pro-russe" Viktor Ianoukovitch en Urkaine, Touteleurope.fr a rencontré Thomas Gomart, directeur du centre Russie/NEI de l'Institut français des relations internationales (IFRI) et de la collection numérique trilingue Russie.Nei.Visions @ifri.org. Le chercheur revient sur les relations "de plus en plus substantielles" entre l'Union européenne et la Russie.
Voir la vidéo et lire le texte entier : ici, sur le site de "Toute l'Europe".
Intervention militaire en Géorgie, coupure du gaz à destination de l'Europe via l'Ukraine, blocage de l'élargissement à l'est de l'OTAN… Moscou entend bien garder sa zone d'influence en Europe, et ce parfois au détriment de ses relations avec l'Union européenne. Si subsistent entre les deux "continents" des désaccords persistants, l'automne 2009 n'a pas connu de crise aussi retentissante que les années précédentes.
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Cependant, fait remarquer Thomas Gomart, "l'un des problèmes est cette fréquence des bulles médiatiques qui éclatent très rapidement en fonction des évènements, alors que la relation UE-Russie est de plus en plus substantielle".
Pour autant, elle reste "paradoxale" : à la fois "très intensifiée sur le plan commercial et humain ces dernières années, et "crispée politiquement", ce qui complique notamment le processus pour aboutir à un nouvel accord de partenariat entre l'Union et la Russie.
"La question des approvisionnements énergétiques pose évidemment problème, notamment parce que les deux parties conçoivent la sécurité énergétique différemment. La question plus technique des droits intellectuels est également importante" explique Thomas Gomart.
Ensuite, continue le chercheur, "il est également difficile pour l'UE de trouver un comportement adapté à une puissance 'classique', au sens réaliste du terme, comme la Russie".
L'Union ne sait pas très bien comment se positionner par rapport à Moscou, dont elle prévoyait la conversion politique à la suite des nouveaux membres de l'Union. Or "la Russie suit son propre cours, et cherche à être le moins possible influencée de l'extérieur. On en arrive souvent à des situations de désaccord, car les deux acteurs sont de nature très différente".
Comme le fait remarquer Thomas Gomart, "l'UE représente le premier partenaire commercial de la Russie, avec près de 60% de son commerce extérieur, alors que la Russie est le 3e partenaire commercial de l'UE, après les Etats-Unis et la Chine". Cependant, "vu de Moscou, il y a une juxtaposition très forte entre l'UE et l'OTAN : dès qu'il s'agit des questions 'dures', c'est l'OTAN qui parle à travers l'UE.
La menace de l'Union européenne n'est donc pas ressentie comme telle, mais celle de voir l'OTAN s'élargir est importante. Pour Moscou, l'Europe a plusieurs visages".
"La perspective d'un élargissement de l'Union à la Géorgie ou à l'Ukraine, ne représente pas non plus une menace en tant que telle, même si elle traduit de fait une volonté d'éloignement de ces pays vis-à-vis de Moscou. La vraie question est la perspective d'adhésion à l'OTAN de ces deux pays, comme après le sommet de Bucarest au printemps 2008. L'une des interprétations de la guerre de Géorgie est le coup d'arrêt porté par Moscou à cette adhésion, ce qu'on voit également très clairement en Ukraine".
Date de publication originalle: 10/02/2010.