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28-06-2006

POUR LA BULGARIE ET LA ROUMANIE, L'ENTRÉE DANS L'UE FERMERA UNE TROP LONGUE PARENTHÈSE

sommaire de la discussion et du vote de la Ratification - le 27 juin.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères – En saluant la présence de Mme Boagiu, ministre roumaine à l’intégration européenne, je tiens à témoigner particulièrement de l’amitié de la France à l’égard de la Roumanie.

Il y a trois ans, le Parlement français approuvait l’entrée de dix nouveaux États membres dans l’Union européenne. Il vous est demandé aujourd’hui d’achever ce cinquième élargissement de l’Union en lui permettant d’accueillir prochainement la Bulgarie et la Roumanie. Comme l’a confirmé le Conseil européen des 15 et 16 juin, ces deux pays devraient pouvoir adhérer à la date prévue du 1er janvier 2007 à condition de répondre à un certain nombre de conditions précises. Avec ces deux adhésions, l’Union européenne achèvera la perspective ouverte au lendemain de la chute du Mur de Berlin en permettant aux pays d’Europe centrale et orientale de rejoindre la famille européenne. Cette étape majeure a scellé la fin de la Guerre froide et marqué la réconciliation du continent européen avec son histoire. En étendant à de nouveaux partenaires les « solidarités de fait » nées de la construction européenne, l’élargissement renforce la paix et la prospérité sur le continent. En contribuant à l’union des peuples européens, il renforce le poids de l’Europe dans le monde et rend chacun de ces États plus fort et plus influent. Cette perspective d’adhésion ouverte à Copenhague en 1993 s’est déjà réalisée depuis le 1er mai 2004 pour les dix nouveaux États membres et je vous propose aujourd’hui, avec ma collègue Mme  Colonna, d’achever cette étape historique.

Cet élargissement a été réalisé en défendant plusieurs exigences, et tout d’abord quant à la qualité du processus lui-même. La Roumanie et la Bulgarie ont déposé leur demande d'adhésion en 1995 et ont décidé d'accélérer le rythme des réformes pour se rapprocher de l'Europe. Les négociations avec ces pays, reconnus candidats en 1997, ont été ouvertes en 2000. Au moment où l'Union concluait en décembre 2002 ses négociations avec les dix nouveaux États membres, elle a décidé de les poursuivre avec la Bulgarie et la Roumanie. Ces pays ayant alors un chemin important à parcourir, ce n'est qu'en décembre 2004 que les négociations ont été achevées, après que des garanties suffisantes eurent été obtenues. La date prévue pour leur adhésion a été fixée au 1er janvier 2007 mais l'Union s'est réservée la possibilité de la reporter d'une année si leur préparation n’était pas suffisante. Au total, il aura donc fallu près de cinq ans de négociations pour déterminer les modalités de l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie et aboutir à la signature du traité d’adhésion, le 25 avril 2005 à Luxembourg.

La France a été particulièrement vigilante. Nous avons notamment veillé à ce que ces pays assurent un haut niveau de contrôle à leurs frontières, qu'ils réforment leur système judiciaire, qu'ils luttent efficacement contre la corruption, le crime organisé et la traite des êtres humains. Si des progrès considérables ont été réalisés dans ces domaines, certaines difficultés persistent et des dispositions exigeantes en matière de sécurité alimentaire, de protection de l'environnement et de sécurité nucléaire ont également été introduites à la demande de l'Union. Il ne s'agit pas, en effet, de sacrifier l'acquis communautaire au nom d'une réconciliation historique ou de l’intérêt géopolitique, mais de renforcer l'Europe par la diffusion des principes politiques qui sont au cœur du projet de ses fondateurs.

Deuxième exigence : le respect de l'intégrité de la construction européenne. Tout au long de ces cinq années, les candidats ont dû accepter les avantages mais aussi les contraintes de leur participation à l'Union européenne. Dès le premier jour de leur adhésion, la Bulgarie et la Roumanie devront appliquer près de 90 000 pages d'acquis communautaire.

M. Jacques Myard - Un scandale !

M. le Ministre - Pour cela, les deux adhérents ont entrepris des réformes considérables afin d'adapter leurs économies et de se doter d'une administration et d'une justice capables d'appliquer la législation européenne. MM. Myard et Lambert, qui se sont rendus respectivement en Roumanie et en Bulgarie, l'ont d'ailleurs constaté.

M. Jacques Myard - C’est vrai.

M. le Ministre - Le traité de Luxembourg garantit que ces deux nouveaux États devront, dès le premier jour, remplir l'ensemble des obligations qui incombent à un État membre. Des périodes de transition ont cependant été prévues dans des secteurs sensibles comme la libre circulation des travailleurs. Ces pays ne pourront en outre adhérer à la zone euro et à l'espace Schengen qu'une fois remplies les conditions requises. Enfin, des mesures de sauvegarde pourront être prises si des perturbations se faisaient jour.

Troisième exigence : veiller à ce que l'Union ait la capacité d'accueillir ces deux nouveaux membres. La Bulgarie et la Roumanie participeront à l'ensemble des politiques communes, selon les mêmes principes que ceux qui ont été appliqués aux dix nouveaux États membres. Elles bénéficieront ainsi progressivement de la politique agricole commune et de la politique régionale. Le coût de leur adhésion a, par ailleurs, été strictement encadré. Ce choix de l'élargissement n'est pas celui de la facilité ou de la convenance : c’est celui de la raison. Nous suivrons avec une très grande vigilance la préparation de ces pays à l'adhésion. Le Conseil européen a soutenu les conclusions du rapport de la Commission du 16 mai dernier selon lequel ces deux pays devraient pouvoir adhérer à l'Union le 1er janvier 2007, sous réserve de remédier aux dernières difficultés qui ont été identifiées, notamment dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. La Commission confirmera au plus tard début octobre le maintien ou le report de cette date. Les deux pays ont adopté des plans d'action pour résoudre à temps ces difficultés. Le Conseil européen est d’ailleurs convaincu que, s'ils font preuve de la volonté politique nécessaire, ils devraient en venir à bout d'ici le 1er janvier 2007. C’est parce qu’il en est également persuadé que le Gouvernement a décidé de vous soumettre dès à présent ce projet.

À 27, l’Europe comptera désormais plus de 480 millions d'habitants et sera la première puissance économique du monde. Plus qu'une péninsule confinée dans un rôle exclusivement moral, l'Union européenne pourra se flatter d'être un ensemble politique uni et rassemblé. L'Europe s’apprête à accueillir deux partenaires avec lesquels nos relations politiques et culturelles sont anciennes et denses. Je pense en particulier aux liens qu'entretiennent plus de 800 communes, institutions et associations françaises avec leurs homologues roumains.

Pays de langue latine, la Roumanie entretient depuis toujours avec la France des relations d'amitié : le théâtre d'Eugène Ionesco, les travaux de Cioran ou de Mircea Eliade, ont beaucoup apporté à la littérature et à la connaissance des cultures européennes.

L'élargissement à la Bulgarie et à la Roumanie, qui connaissent une croissance économique soutenue, est aussi une opportunité pour les entreprises européennes. Le processus d'adhésion a déjà eu un impact positif sur nos exportations et nos investissements : nos échanges avec la Bulgarie ont plus que doublé depuis six ans ; ils ont triplé avec la Roumanie dans les quatre dernières années. Les entreprises françaises sont déjà bien implantées dans ces pays où elles ont investi massivement, principalement dans les activités de service. La France est ainsi l'un des premiers investisseurs en Roumanie. Cette tendance ne pourra que se confirmer avec l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans le grand marché unique. Leur participation à la politique régionale offrira de nouvelles opportunités à nos entreprises, qui pourront répondre à de nombreux appels d'offres financés sur fonds communautaires. Elles sont en effet très compétitives dans les secteurs concernés – travaux publics, gestion de l'eau, de l'énergie et des déchets –, comme en témoignent les investissements en Pologne ou en Slovaquie, États intégrés à l'Union en 2004.

Enfin, l'Europe à 27 sera plus forte pour peser sur les affaires du monde. La diversité linguistique et culturelle de l'Europe sera renforcée par l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, comme le sera la place du français, puisque nombre des citoyens de ces deux États membres de la francophonie parlent notre langue. La Roumanie accueillera ainsi en septembre prochain le onzième Sommet de la francophonie.

Permettez-moi, pour conclure, de revenir sur la stratégie d'élargissement de l'Union. Nos concitoyens ont exprimé, lors de la campagne référendaire sur le traité constitutionnel, des préoccupations quant à la poursuite de l'élargissement, son rythme, son périmètre, mais aussi quant à l'impact des nouvelles adhésions sur le projet européen. Ils ont parfois eu le sentiment que ce processus leur échappait et prenait l’allure d’une fuite en avant. Une chose est certaine : L'Europe ne se fera plus sans les peuples.

M. Jacques Myard - Il est temps !

M. le Ministre - S'il s'agit de relancer le processus de construction, il faut le faire avec les peuples. Les élargissements ne doivent plus être vécus comme des choix imposés, mais comme des résolutions partagées. C'est pourquoi notre pays a décidé de les soumettre désormais à référendum. Il est aujourd’hui indispensable de répondre à cette « fatigue de l’élargissement » évoquée par le commissaire européen à l'élargissement. Il convient aussi de renforcer le contrôle politique de ce processus. C'est dans cette perspective que la France a demandé – et obtenu – que cette réflexion soit désormais privilégiée dans le débat européen. Le Conseil des 15 et 16 juin a engagé un débat de fond sur la stratégie d'élargissement et sur la capacité de l'Union à accueillir de nouveaux membres. C'est un point auquel nous accordons une importance primordiale : l'élargissement ne concerne pas seulement les pays candidats, mais aussi l'Union elle-même. Il a des conséquences sur sa nature, son identité et sur son fonctionnement.

Afin que ce processus reste maîtrisé, il importe que le rythme de l'élargissement tienne compte de la capacité d'assimilation de l'Union et que l'Europe réponde aux questions concrètes qui se posent à l'ensemble de ses citoyens : quelles doivent être les politiques communes, le budget, le financement, les institutions d'une Union élargie ? Comment s'assurer du soutien et de l’association des citoyens européens à ce processus ? L'ensemble de ces points a été entériné, à notre demande, par le Conseil européen des 15 et 16 juin, qui a souligné la nécessité d'approfondir ce débat lors du prochain Conseil européen, qui se tiendra en décembre. Dans cette perspective, la Commission rendra à l'automne un rapport spécial sur la « capacité d'assimilation » de l'Union.

Si vous donnez aujourd'hui votre accord à ces adhésions, le cinquième élargissement de l'Europe sera pleinement achevé. N’oublions pas, en effet, que la Bulgarie et la Roumanie font partie intégrante de ce cinquième élargissement : elles se sont vu reconnaître une perspective européenne en même temps que les dix nouveaux États membres ; elles ont commencé leurs négociations en même temps qu’eux, et se sont vu appliquer les mêmes principes et conditions. Le cinquième élargissement de l'Union ne pourra donc être pleinement achevé qu'avec leur adhésion. L'Europe est prête à les accueillir. Je suis convaincu que ces deux pays sauront remédier aux difficultés qui subsistent, pour pouvoir entrer dans la famille européenne dès le 1er janvier 2007. Je suis persuadé qu'ils sauront contribuer à la poursuite du projet politique européen, un projet fondé sur des valeurs fortes, profondément respectueux de l'identité des peuples et résolument moderne, où les nations décident librement de faire prévaloir ce qui les unit sur ce qui les divise.

L'Europe n'est pas seulement le fruit d'un héritage, elle est aussi le produit de notre volonté collective et de notre capacité à nous projeter dans l'avenir. C'est avec cette conviction que le Gouvernement continuera à agir pour faire avancer l'Europe politique, mais aussi pour unir les hommes et les citoyens à partir de liens renforcés entre les États. Le devoir qui s'impose à nous, intimement lié à la question de l'élargissement, est de créer un lien social et politique de plus en plus fort au sein de l'espace européen...

M. Jean-Pierre Dufau - Enfin du social !

M. le Ministre - …pour assurer au projet européen toute sa cohérence, et pour permettre à chacune de nos nations de se développer au sein d'une communauté pleinement assumée et mutuellement bénéfique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hervé de Charrette, rapporteur de la commission des affaires étrangères – La question qui nous est posée est simple : souhaitons-nous que la Bulgarie et la Roumanie deviennent les 26ème et 27ème membres de l'Union européenne ? Disons-le d'emblée, la commission des affaires étrangères vous invite à y répondre par l’affirmative.

Permettez-moi d’éclairer cette position par plusieurs considérations. La première concerne la situation de crise dans laquelle l'Europe se trouve plongée depuis l’échec du référendum français de mai 2005 sur le traité constitutionnel. Ce nouvel élargissement intervient donc dans un contexte franchement défavorable. La crise est si profonde et la paralysie des institutions européennes est telle qu'il serait raisonnable de suspendre tout nouveau projet d'élargissement à plusieurs conditions qui sont loin d'être réalisées. Il faudrait que soit fixée une doctrine commune aux États membres s'agissant des frontières extérieures de l'Union – qui ne peut pas être un processus permanent et indéfini d'élargissement vers l'Est ; que les institutions aient été réformées, de sorte que l'Union retrouve une capacité à prendre des décisions dans des conditions démocratiques et respectueuses du poids des États membres ; que l'Union parvienne à exprimer une appréciation partagée et réaliste sur l'avenir du projet européen.

Or c'est tout le contraire qui se produit. Le projet européen est au point mort ; la question turque jette un trouble qui ne cesse de croître dans la vie quotidienne de l'Union ; les États membres sont divisés sur le concept même de l'élargissement, de sorte qu’aucune doctrine claire ne s’exprime à l'égard des Balkans occidentaux et de l'Ukraine. Dans la confusion générale, les représentants de la Commission se permettent même de faire connaître leur point de vue sur un sujet qui ne relève pas de leur compétence.

Ma conviction est donc que poursuivre l'élargissement de l'Union serait aujourd’hui contraire à l'intérêt du projet européen. S'il en va différemment pour la Roumanie et la Bulgarie, c'est qu'il s'agit d'achever un processus entamé au bénéfice de l'ensemble des pays de l'Europe centrale et orientale lors du sommet de Copenhague les 21 et 22 juin 1993. L’Europe de l'Ouest avait alors tendu la main à cette autre Europe, celle des dictatures communistes qui venait de retrouver la liberté. L'Union a fixé un cap et pris des engagements. Le traité qui vous est soumis n'est que l’ultime étape de ce processus et d'un cycle marqué par la réconciliation de l'Europe avec elle-même.

Si la commission vous propose d'autoriser la ratification du traité d'adhésion de ces deux pays, c'est au bénéfice de cette observation fondamentale : il ne s'agit pas de poursuivre la marche folle de l'élargissement perpétuel, mais de mettre le point final à un processus spécifiquement destiné à l'Europe centrale et orientale.

Ma deuxième observation concerne l'état de préparation de ces deux pays. Lors du sommet de Copenhague, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé que tous les pays d'Europe centrale et orientale avaient vocation à adhérer à l'Union et fixé des critères dits « critères de Copenhague ». Les pays candidats doivent avoir des institutions démocratiques stables et obéir aux prescriptions de l'État de droit, en particulier le respect des Droits de l'homme et des droits des minorités ; ils doivent avoir une économie de marché viable et être en mesure d'affronter les conséquences de l'entrée dans l'Union ; ils doivent enfin avoir intégré dans leur droit la totalité des directives et règlements de l'Union et souscrire à ses objectifs politiques, économiques et monétaires.

C'est parce que la Roumanie et la Bulgarie ne remplissaient pas ces critères que le Conseil Européen les a séparées des dix autres pays – pour lesquels les négociations ont été achevées fin 2002 – et n'a accepté d'ouvrir la négociation avec elles qu'à la fin de l’année 2002. Clôturée fin 2004, la négociation a débouché sur le traité qui vous est soumis, signé à Luxembourg le 25 avril 2005. Il fixe la date de l'adhésion au 1er janvier 2007, soit près de douze ans après que ces deux pays aient fait acte de candidature. Ce traité contient le même dispositif que celui concernant les dix États précédents, et, en particulier, des clauses concernant l’adhésion future – et obligatoire – à la monnaie unique, des « clauses Schengen » maintenant les contrôles aux frontières actuelles de l’Union et limitant, pour une durée maximale de sept ans, la liberté d’établissement et des clauses de sauvegarde permettant – pendant trois ans – de suspendre le versement des aides agricoles ou régionales en cas de non respect de leurs obligations par les pays candidats.

S’y ajoute un dispositif supplémentaire, conçu spécialement pour la Roumanie et la Bulgarie et qui marque la crainte de l’Union devant les retards pris par ces deux pays. Le traité prévoit en effet que la date d’adhésion peut être reportée d’un an – soit au 1er janvier 2008 –, sur proposition de la Commission. La décision finale revient au Conseil européen, statuant à l’unanimité pour la Bulgarie ou à la majorité qualifiée pour la Roumanie. C’est dire si la négociation a été menée avec sérieux et entourée d’un luxe de précautions. Au final, elle aura été sensiblement plus exigeante que celle appliquée aux Dix.

Enfin, la clôture de la négociation et la signature du traité, en avril 2005, ont été suivies d'une période de près de deux ans durant laquelle les deux pays devaient achever leurs préparatifs sous le contrôle de la Commission, à laquelle il revient désormais de dire si, oui ou non, l'adhésion peut avoir lieu au 1er janvier 2007 ou si elle propose au Conseil le report d'un an prévu dans le traité.

Dans ce cadre, la Commission a remis un premier rapport le 25 octobre 2005, dans lequel elle sonne l'alarme, après avoir constaté que la situation était gravement préoccupante dans plusieurs domaines importants : le piratage et la contrefaçon, le contrôle des frontières extérieures de l'Union, la corruption, la sécurité vétérinaire, l'insuffisance des structures administratives appelées à gérer les fonds de la PAC et les fonds structurels. La Commission a donc reporté au 16 mai 2006 son avis sur l’état de préparation des deux candidats. Sans être conclusif, ce nouveau rapport est encourageant. D'un côté, il note les progrès importants accomplis ; de l'autre, il constate que la situation reste préoccupante en Bulgarie pour ce qui concerne la lutte contre la corruption, la criminalité organisée et le contrôle financier des fonds européens. La situation en Roumanie est jugée nettement meilleure. La Commission a donc décidé de reporter à l'automne l'avis qu'elle doit donner.

C'est dire la pression tout à fait exceptionnelle qui est exercée sur les deux pays. J'ai reçu dernièrement une délégation de parlementaires bulgares et ils ont évoqué le plan d'action que leur pays va décliner pour être prêt au 1er janvier prochain. La mobilisation des forces politiques et du gouvernement bulgares est évidente.

Il en est de même en Roumanie, où je me suis rendu en janvier dernier avec nos collègues Geneviève Colot, Jean-Pierre Dufau et Philippe Folliot. Nous avons tous été marqués, à cette occasion, par l'engagement des autorités roumaines dans la lutte contre la corruption.

On peut donc raisonnablement estimer que la Roumanie et la Bulgarie ont mobilisé beaucoup d'énergie pour mener avec succès leur projet d'adhésion et qu'ils seront prêts, autant qu'ils peuvent l'être, pour cette grande échéance. Ratifier le traité est donc possible et souhaitable. Au reste, la ratification laisse entière la question de savoir si la clause de report doit ou non être mise en œuvre.

L'application de cette disposition suppose évidemment la ratification du traité par les 25 États membres. Mais sa mise en œuvre ne sera pas, en tout état de cause, soumise aux parlements nationaux. Nous n'aurons donc pas l'occasion d'en débattre, puisqu’il s'agit d'un pouvoir conféré au Conseil, via la Commission. C'est en octobre que cette question devra être tranchée et il serait souhaitable, Monsieur le ministre, que, le moment venu, le Gouvernement consulte le Parlement selon les procédures existantes avant de se prononcer.

J’en viens aux conséquences prévisibles de l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union européenne, lesquelles seront institutionnelles, économiques, financières et géopolitiques.

S’agissant des institutions communautaires, la Roumanie et la Bulgarie disposeront d'un commissaire chacun, ce qui va obliger le président de la Commission à réorganiser le collège des commissaires. Le Parlement européen accueillera 18 députés bulgares et 35 députés roumains jusqu'en 2009, puis 17 et 33 à compter de 2009. Au conseil, la Roumanie disposera de 14 voix et la Bulgarie de 10 voix sur un total de 345 – pour mémoire, la France en compte 29, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie. Bien entendu, les deux pays seront représentés dans les autres instances communautaires : Cour de justice, Cour des comptes, Banque centrale européenne. Tout ceci résulte du traité de Nice et témoigne de ce que nos institutions sont véritablement « encalminées » par l'élargissement.

L'impact économique pour l'Union est, quant à lui, difficile à évaluer. La Bulgarie et la Roumanie bénéficient d'une croissance annuelle en moyenne supérieure de 3 % par rapport à celle des 25, ayant atteint près de 6 % l'an passé – soit le double de la moyenne européenne : cela ne peut qu'être favorable aux autres membres de l'Union, avec lesquels ces pays entretiennent des relations commerciales intenses.

Au plan budgétaire, l'intégration de ces deux pays est réglée depuis 2004. Pour la période 2007-2009, ils bénéficieront de 16 milliards d'euros, dont près des trois quarts pour la Roumanie. Ce sont 5,4 milliards d'euros qui seront consacrés à l'agriculture, avec une montée en puissance très progressive du dispositif ; 8,2 milliards iront à la politique régionale et 1,3 milliard aux politiques internes et transitoires.

Quel sera, enfin, l'impact géopolitique de l'entrée de ces deux pays ? On peut en attendre plusieurs effets. D'abord, nous voyons bien qu'une fois la Roumanie et la Bulgarie dans l'Union, le prochain objectif sera d'assurer la stabilisation durable des Balkans. Ces deux pays peuvent y contribuer, grâce aux liens qu'ils ont noués avec les États de la Région ; mais il faudra aussi se méfier de leur propension prévisible à plaider en faveur de l'adhésion des États balkaniques, laquelle ne parait nullement souhaitable pour le moment. Par ailleurs, l'Union sera désormais présente en Mer Noire, ce qui représente un nouvel atout, s'agissant d'un espace stratégique de premier plan, notamment en matière énergétique…

M. Jacques Myard - Bof !

M. le Rapporteur - Enfin, il est prévisible que tant les Bulgares que les Roumains maintiendront des liens privilégiés avec les États-Unis. Comme la plupart des pays d'Europe centrale, les deux États ont de l'Europe une vision plutôt économique et c'est vers l'Alliance atlantique et les États-Unis qu'ils se tournent pour leur sécurité et leur défense. Cependant, les deux souhaitent nouer avec la France une relation forte, qu'il nous appartient d'encourager. C'est vrai de la Bulgarie. Et c'est encore plus vrai de la Roumanie, où la présence française est importante : de nombreuses entreprises y ont investi, la langue française est largement développée parmi les élites et, à l'automne prochain, Bucarest recevra le sommet de la Francophonie.

L'intérêt bien compris de la France et de l'Europe est d'accueillir ces pays dans l'Union européenne. C'est pourquoi la commission des affaires étrangères vous invite à adopter le présent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères – Il y a plus de quinze ans que le Mur de Berlin est tombé. L'Europe a changé. D'une communauté économique à douze, elle est passée à une Union à vingt-cinq, bientôt vingt-sept, dont la vocation est aussi politique. Le grand élargissement de 2004 s'achève et l’Union européenne s'apprête à s'ouvrir à deux nouveaux États : la Bulgarie et la Roumanie. Pour ces deux pays, l'entrée dans l'Union refermera une trop longue parenthèse. En votant le projet de loi autorisant le traité d'adhésion, signé le 25 avril 2005, notre Assemblée va contribuer à cette réunion historique de l'est et de l'ouest de l'Europe. Je forme d'ailleurs le vœu que la Roumanie et la Bulgarie rejoignent l'Union sans tarder, dès le 1er janvier prochain. Ces pays ont en effet accompli de très grands progrès. Ils ont parcouru le chemin qui leur incombait, même si quelques efforts demeurent attendus. En les accueillant, nous aurons, de notre côté, tenu notre promesse.

Reste à l'Europe à faire face à toutes ses responsabilités.

Il s'agit de construire une Union forte de ses valeurs et capable de faire prévaloir ses intérêts, et non un simple espace de libre échange, ouvert à une mondialisation dénuée de règles et aux trafics de tous ordres. À quelles conditions cet objectif peut-il être atteint?

L'Union européenne doit se réformer pour fonctionner efficacement et surmonter la paralysie. Pour cela, elle doit cesser, pour un long moment, de s'élargir. Cela peut paraître injuste pour les pays qui sont aujourd'hui candidats, mais c'est l'intérêt de tous. Serait-ce d'ailleurs rendre service aux futurs candidats que de les accueillir dans une Europe incapable de surmonter la crise ? Il faut regarder la réalité en face. Après la Roumanie et la Bulgarie, l'Union ne sera plus, et pour longtemps, en mesure d'accueillir de nouveaux candidats.

D’abord, pour des raisons institutionnelles. Peut-on imaginer que les institutions de l'Union puissent fonctionner, en l'état, avec six – voire sept – nouveaux pays des Balkans, avec la Turquie ou l'Ukraine, qui comptent respectivement 71 et 50 millions d'habitants ? Nous savons bien que le fonctionnement d'une Commission européenne à 27 posera déjà de réelles difficultés ; comment imaginer qu'elle puisse agir avec efficacité avec plus de trente commissaires ? Et que dire d'un Parlement pléthorique ou d'un Conseil des ministres où l’unanimité est encore largement la règle ?

Récemment, j’ai proposé qu’un débat ait lieu sur deux questions incontournables : l'extension du domaine du vote à la majorité qualifiée, laquelle suppose le rééquilibrage du poids de chaque État membre au sein des institutions européennes en fonction de sa population et de sa capacité économique, et celle des rôles respectifs du Conseil et de la Commission. Pour ma part, je suis favorable au passage à la majorité qualifiée dans un grand nombre de situations et partisan d'une certaine prééminence du Conseil, en tant qu’organe capable d’engager politiquement l'Union. Il est indispensable, avant tout nouvel élargissement, de trancher ces questions.

L'Union doit aussi marquer une pause dans l'élargissement pour des raisons budgétaires et financières. En accueillant dix nouveaux membres en 2004, l’Union européenne a gagné 15 % en population et 20 % en superficie, mais son PIB s'est accru de moins de 5 %. En effet, la richesse moyenne des Dix était inférieure à la moitié de celle de l'Union à 15. L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ne modifie pas cet état de fait. L’on compare souvent l'entrée des pays de l'Europe centrale et de l'est à celle de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. Mais rappelons que ces trois pays avaient, lors de leur adhésion, un PIB correspondant à 60 % de la moyenne communautaire. En outre, l'acquis communautaire à appliquer aujourd'hui est bien supérieur à celui qu'ont dû assimiler la Grèce, l'Espagne et le Portugal. C'est dire si les efforts que devront encore accomplir les douze nouveaux membres sont considérables.

C'est dire aussi les efforts que l'Union devra consentir pour permettre à ces pays de se rapprocher de notre niveau de vie. Dans le budget de l'Union, 46 milliards d'euros ont été prévus en crédits d'engagements pour les dix nouveaux membres, dans la période 2004-2006. Pour l'intégration des seules Bulgarie et Roumanie, il est prévu, pour la période 2007-2009, 16 milliards de crédits d'engagements.

En outre, l'Union ne supporterait pas financièrement de nouveaux élargissements, alors qu'elle a eu tant de mal à s'accorder sur son budget pour 2007-2013. Or, compte tenu de l’état des finances publiques de plusieurs États membres, il ne saurait être question d’envisager une augmentation significative du prélèvement sur les budgets nationaux au profit de l’Europe…

Enfin, tout nouvel élargissement semble impossible tant que l'Union n'aura pas surmonté la crise morale dans laquelle elle est plongée. Le rejet du traité constitutionnel me paraît, à cet égard, plus un symptôme qu'une cause de cette crise… (MM. Jean-Claude Lefort, Marc Dolez et Jean-Pierre Dufau donnent des signes d’approbation) Nos concitoyens s'interrogent toujours sur le sens de la construction européenne et ils perçoivent bien qu'un élargissement irréfléchi représenterait une fuite en avant, risquant de faire perdre les principaux acquis, obtenus grâce à leurs efforts depuis plus de cinquante ans.

Lors du dernier Conseil de Bruxelles, notre pays a obtenu que la question de la « capacité d'absorption » – cette notion méritant du reste d’être précisée – fasse rapidement l'objet d'un débat au plan européen. Si nous souhaitons que l’Europe devienne réellement cette union des peuples sans cesse plus étroite qu’évoquent les traités, nous devons savoir dire non à une fuite en avant qui nous plongerait dans l’incertitude.

Je suis donc tout à fait partisan de l’entrée rapide de la Roumanie et de la Bulgarie, mais tout à fait hostile, vous l’avez compris, à ce que l’on aille plus loin avant d’avoir résolu les problèmes fondamentaux qui se posent à nous. On nous a beaucoup dit lors du dernier référendum qu’il fallait que la politique européenne tienne mieux compte du désir des peuples. Manifestement, les peuples ne souhaitent pas des élargissements complémentaires avant que certains problèmes importants n’aient été résolus. Je conclus donc en souhaitant que le Gouvernement entende et comprenne les aspirations des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lefort – Nous sommes réunis aujourd’hui pour effectuer un acte solennel : donner ou non notre accord, par un vote, à l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne. Mais comme le dernier Conseil européen a considéré qu’un délai supplémentaire d’un an serait sans doute nécessaire pour que cette adhésion soit effective, on nous demande en réalité de ratifier le principe de l’adhésion et non pas une adhésion de fait. Procédure tout à fait surprenante !

Cela n'a rien à voir avec la révision constitutionnelle qui était nécessaire pour la tenue du référendum. Ce dernier a eu lieu et son résultat fut sans appel. S'il devait y avoir similitude, ainsi que cela a été évoqué en commission des affaires étrangères, entre l'exercice auquel on se livre aujourd'hui et la procédure que nous avons suivie à propos du projet de traité constitutionnel, alors je crains très fort pour ces deux pays.

Je crains d'autant plus que l'article premier du traité d'adhésion de ces deux pays indique clairement que ceux-ci deviennent parties du traité constitutionnel ; et précise que si ce traité n'est pas ratifié à la date d'adhésion de ces deux pays, les dispositions du protocole adjoint au traité de leur adhésion seront annexées aux traités actuels mais ne seront pleinement appliqués que quand le traité portant Constitution sera ratifié. Autrement dit, certains ne désespèrent pas de faire ratifier ce traité constitutionnel. Il faut pourtant que nos amis le sachent : ce traité est mort !

Le traité d’adhésion prévoit qu’« avant le 31 décembre 2007, la Bulgarie et la Roumanie procèdent chacune à l'élection au suffrage universel direct du nombre de représentants de leur peuple au Parlement européen ». Cela n'a aucun sens si l’adhésion de ces deux pays doit intervenir de fait le 1er janvier 2008. Vont-ils voter pour des députés européens avant d’adhérer ? Et veut-on vraiment que nous votions pour un texte en total décalage avec la réalité ? Cela n'est pas sérieux ni responsable. On ne devrait pas s'amuser de la sorte avec des traités internationaux et nous demander de ratifier des clauses qui ne seront pas tenues ou qui sont obsolètes !

Tout ce bâclage renforce nos craintes pour ces deux peuples. Nous craignons en particulier que l'aide financière qui leur sera accordée soit très insuffisante. Il est dit dans le traité d'adhésion que ce sont les mêmes critères qui ont été pris en compte pour ces deux pays que pour les dix nouveaux membres de l'Union. On recommence donc les mêmes erreurs que lors du dernier élargissement. Tout cela aboutit à tirer l'ensemble des peuples vers le bas. Ce n'est bon ni pour les vingt-cinq peuples européens, ni pour ces deux peuples amis, ni pour l'idée européenne elle-même.

D’aucuns profitent de ce contexte pour reposer la question des institutions de l'Union. Et, suivez mon regard, on nous ressort l'idée d'un nouveau traité concentré sur ces seules questions institutionnelles. La ficelle est un peu grosse ! Faut-il redire ici que le vote des Français avait d'abord trait aux finalités de l'Europe et non au fait de savoir s'il fallait plus ou moins de commissaires ? Et sait-on que le Parlement européen a refusé, le 14 juin dernier, un amendement disant que « pour pouvoir être appliqué, le traité établissant une Constitution pour l'Europe signé à Rome le 29 octobre 2004 devait être unanimement ratifié » ? Cette idée toute simple, mais fondamentale, qu'il faut l'unanimité pour qu'un traité soit adopté, les députés des deux grandes familles du Parlement européen ont voté contre ! C'est dire l'entêtement et l'autisme des « ouistes » !

M. Marc Dolez - C’est vrai.

M. Jean-Claude Lefort - C'est dire aussi les dangers qu'ils font courir à l'Europe en foulant ainsi aux pieds le droit et le suffrage universel. Les peuples roumains et bulgares, tout comme les autres peuples européens, n'ont rien à attendre de bon d'une Europe ultra- libérale.

D’ailleurs, 70 % des Européens trouvent que l'Union européenne est trop technocratique et plus de 40 % des Français se demandent pourquoi notre pays est membre de l'Europe. Une immense majorité d'Européens considèrent que la mondialisation est un danger contre lequel l'Europe ne les protège pas. Décidément, il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre ! Ces sourds sont ceux qui veulent la reprise à l'identique du projet de Constitution ou un traité institutionnel qui rendrait plus aisée et plus rapide la mise en œuvre de la politique libérale de l'Union.

Inutile de dire que ce chemin ressemble à celui qui mène à l'enfer. Les citoyens français comme ceux d'autres pays ne manqueront pas de le dénoncer lors des prochaines échéances électorales.

Dans ces conditions, si nous réitérons notre accord pour l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l'Union, les conditions juridiques incongrues de cette vraie fausse ratification, d'une part, et les volontés ultralibérales qui s'arc-boutent pour empêcher que l'Europe change de voie, d'autre part, nous amènent en signe de solidarité avec les peuples bulgares et roumains à ne pas prendre part au vote. Ces deux peuples retiendront ainsi qu'ils ont en France des amis sincères et déterminés, qui leur tendent la main !

Comme le dit un proverbe bulgare, « la vie est une échelle, les uns montent, les autres descendent. » C'est ce qui se passe dans l'Europe actuelle et c'est cela que refuse la majorité des Français. Comme le dit cette fois un proverbe roumain, « on balaie un escalier en commençant par le haut ». Voilà le travail qui est devant nous aujourd'hui : balayer l'Europe de son libéralisme en commençant par le haut ! Bienvenue donc à la Roumanie et à la Bulgarie pour aller dans cette voie !

M. Marc Dolez - Très bien.

M. Marc Laffineur - Deux ans et demi après le plus grand élargissement auquel l'Europe ait été confrontée, nous voici en passe d'achever la réunification de notre continent avec l'adhésion au 1er janvier 2007 de la Roumanie et de la Bulgarie. Un an après le rejet par référendum de la Constitution européenne par le peuple français, cette adhésion montre que l'année 2006 a aussi été une année utile pour l'Europe : en effet, même si le processus de ratification de la Constitution européenne a connu une pause, l'Europe continue néanmoins de se construire au quotidien tandis qu'un effort d'explication de l'Europe en direction des peuples s'est fait jour. En témoigne l'initiative du Gouvernement d'organiser au sein de la représentation nationale un débat préalable à la tenue de chaque Conseil européen.

Mais il nous faut encore relayer sur le terrain ce besoin d'Europe. Il nous reste six mois pour expliquer à nos concitoyens que l'Union européenne comptera à partir du 1er janvier prochain deux États supplémentaires. Sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, nous devons nous unir pour convaincre les Français que cet élargissement est juste et nécessaire, parce que c'est un devoir de l'ancienne Europe de l'Ouest envers l'ancienne l'Europe de l'Est que de refermer une blessure de presque cinquante ans, provoquée par la deuxième guerre mondiale puis la guerre froide, parce que c'est aussi une opportunité pour l'Europe d'être plus forte et plus unie dans le monde de demain, parce que ce sont enfin de nouveaux marchés qui s'ouvrent à nos industries.

M. Jean-Claude Lefort - Ah, les marchés !

M. Marc Laffineur - Mais cet élargissement ne doit pas nous éloigner de ce qui doit être notre principale préoccupation des années à venir : la réforme de notre architecture institutionnelle pour des institutions plus efficaces, plus transparentes et plus démocratiques. Tant que le chantier institutionnel ne sera pas achevé, nous ne pourrons aller plus loin dans la construction européenne. C'est l'avenir même de l'Europe qui est en jeu.

L'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie parachèvera la réunification du continent européen, avant que nous engagions une pause durable du processus d'élargissement. Elle répond à une promesse de réconciliation, sur laquelle nous ne pouvons revenir sans nous déconsidérer et nous trahir. L'Europe est un héritage que nous avons tous en partage : les nations fondatrices ne peuvent se l’approprier ni le confisquer.

Le Conseil européen des 15 et 16 juin a réaffirmé l'objectif de l'Union d'accueillir la Roumanie et la Bulgarie au 1er janvier 2007. Les rapports de Jacques Myard et Jérôme Lambert, au nom de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, vont largement dans ce sens et se prononcent pour une adhésion dès l'année prochaine de ces deux pays francophones, renonçant à mettre en œuvre la clause de sauvegarde générale qui autorise la Commission à reporter d'un an leur adhésion.

M. Jacques Myard - Excellente lecture !

M. Marc Laffineur - En effet, la Roumanie et la Bulgarie ont accompli d'énormes efforts en matière de lutte contre la corruption, d'intégration et de protection des minorités, de surveillance des frontières extérieures de l'Union, d'indépendance de la justice, tous points litigieux sur lesquels les différents rapports d'étape demandaient une accélération des réformes.

Un report d’un an serait d'autant moins justifié que de tels problèmes ne peuvent se régler en si peu de temps. En outre, une telle mesure ne pourrait être appliquée de la même manière aux deux pays, les règles de vote étant différentes. Enfin, la Roumanie a désormais rattrapé son retard sur la Bulgarie. En revanche, rien n'empêche les États qui le souhaitent d'établir des clauses de sauvegarde sectorielles.

Le débat d’aujourd'hui doit donc être distingué de celui relatif aux frontières de l'Europe. Le dernier Conseil européen vient d'ailleurs d'avaliser parmi les conditions d'élargissement la « capacité de l'Union d'absorber de nouveaux membres » : toute acceptation de nouvelle candidature devra tenir compte de la préservation de la cohésion et de l'efficacité de l'Union. De cette condition dépendra la perception de l'élargissement par les citoyens.

À cela, la France a ajouté des garde-fous : la réforme constitutionnelle du 1er mars 2005 dispose que toute nouvelle adhésion d'un État à l'Union européenne – après celles de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Croatie – sera soumise à référendum. Les citoyens pourront ainsi s'exprimer et prendre en main leur destin dans l'Europe. Il appartiendra au peuple français de décider en dernier recours de la candidature des États des Balkans occidentaux – comme le Monténégro.

En ce qui concerne la Turquie, manifestement en dehors des frontières de l'Europe, les négociations d'adhésion ont officiellement débuté en octobre dernier. Si le groupe UMP est ouvert à un partenariat privilégié, il est opposé à une adhésion pleine et entière.

Doter l'Europe de frontières et rénover son architecture institutionnelle, voilà les deux priorités qui doivent être les nôtres avant d'engager tout nouvel élargissement et tout nouvel approfondissement des politiques communautaires. Où s'arrête l'Europe ? Quels pays ont vocation à y entrer, quel type de relation privilégiée doit-on nouer avec les autres ? Cette question est d'autant plus urgente à trancher que le monde s'accélère et ne nous attend pas.

M. Jacques Myard - Exact !

M. Marc Laffineur - Il nous appartient donc de la résoudre en toute indépendance, sans tenir compte des pressions, et rapidement, car l'incertitude peut donner le sentiment à notre voisinage immédiat que nous tergiversons.

La question des frontières de l'Europe dépend aussi de la nature – Europe politique ou simple zone de libre échange – que nous entendons donner au projet européen. Si les Français ont dit non à l'Europe telle que proposée par la Constitution, je suis intimement persuadé qu’ils ne sont pas hostiles à une Europe politique : ils lui demandent juste d’être plus protectrice et plus proche de leurs préoccupations quotidiennes.

Cette demande n'est pas incompatible avec la nécessité d'engager au plus tôt une réforme de nos institutions car ce sont des institutions fortes et efficaces qui garantissent le fonctionnement de l'Europe et la protection des citoyens. Nous ne pouvons donc l’éviter et ce n'est pas revenir sur le vote des Français que de reprendre à notre compte les principales innovations institutionnelles apportées par le titre I du projet de Constitution.

M. Jean-Claude Lefort - Si ! Attention au retour du boomerang !

M. Marc Laffineur - Nous savons tous que les institutions actuelles, satisfaisantes pour un fonctionnement à 6 ou 9, ne le sont plus dans une Europe à 25 et encore moins demain à 27, puis à 28. Aussi, avant même d'engager un débat sur l'élargissement, nous devons nous mettre d'accord sur des institutions plus stables, plus efficaces, plus proches des citoyens : c’est le cas d'une présidence stable, d'un ministre des affaires étrangères, d'une Commission réduite et collégialement responsable devant le Parlement, d'un Parlement européen et de Parlements nationaux aux pouvoirs renforcés.

Le groupe UMP est donc favorable à l'adhésion de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie, mais estime qu’à cet élargissement doit succéder une longue pause. La réflexion doit se déplacer sur la question des frontières de l'Europe, toute capacité d'absorption nouvelle étant liée à l'environnement institutionnel que se donnera l'Europe. Le principal enjeu des prochaines années consiste à approfondir les politiques existantes, à réformer l'architecture institutionnelle, à définir nos relations avec nos voisins et à inventer de nouveaux types de partenariats, à mi-chemin entre accord d'association et adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne - La Délégation pour l'Union européenne a donné un avis favorable à l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, comme vont l'indiqueront nos rapporteurs, Jérôme Lambert pour la Bulgarie et Jacques Myard pour la Roumanie, qui ont suivi depuis le début de la législature le processus d'adhésion de ces deux pays. Je tiens ici à saluer l’excellent rapport d’Hervé de Charette.

En procédant à la ratification du traité d'adhésion, la France – l’un des plus fermes soutiens à ces candidatures – respecte son engagement et permet à ces deux pays amis de réintégrer la famille européenne. Parallèlement, l'Union poursuit, avec succès, la réunification du continent.

Le traité d'adhésion a été signé le 25 avril 2005 et doit être ratifié par les 25 États membres. La décision finale devrait être prise lors du Conseil européen du 20 octobre, sur recommandation de la Commission, qui peut encore activer la clause de sauvegarde générale. Elle a publié régulièrement un rapport de suivi et a su faire preuve d'objectivité, et même de fermeté. D'ici là, les deux pays doivent encore fournir des efforts.

La Roumanie a effectué des progrès considérables dans des domaines aussi essentiels que la réforme de la justice, la lutte contre la corruption de haut niveau et la criminalité organisée. Des améliorations sont encore à fournir dans des domaines techniques, relevant surtout de la capacité administrative. À cet égard, on peut saluer la coopération menée depuis deux ans entre l'Assemblée nationale et la Chambre des députés de Roumanie dans le cadre d'un programme Phare de préadhésion.

En Bulgarie, la Commission a relevé des insuffisances dans le domaine judiciaire et dans la lutte contre la corruption. Néanmoins, les autorités politiques bulgares se sont engagées et le procureur général, homme clé de l'organisation judiciaire, a été changé.

Pour les deux pays, le processus d'adhésion ne se terminera pas le 1er janvier 2007 : il devra donner lieu à des adaptations continues aux règles européennes, notamment dans le domaine agricole. Les exploitations, nombreuses, n’ont pas une compétitivité correspondant au marché actuel.

En ratifiant aujourd'hui le traité d'adhésion, nous espérons que les derniers États membres qui ne l'ont pas encore fait suivront notre exemple. L'idéal serait que le processus soit achevé avant le sommet de la francophonie qui se tiendra à Bucarest à la fin du mois de septembre 2006.

Un cycle s'achève. L'Union doit maintenant prendre son temps avant d'intégrer les autres pays de la famille européenne et s'atteler à la réforme de ses institutions, pour éviter la paralysie. Lors du dernier Conseil européen des 15 et 16 juin, les chefs d'État et de gouvernement ont reconnu qu'il n'était pas possible d'en rester au traité de Nice. Il faut saluer la décision franco-allemande d’élaborer d’ici 2008 de nouvelles propositions. L'Union doit aussi définir un modèle de relations privilégiées avec son voisinage. Pour moi, cela doit viser la Turquie, qui ne souhaite toujours pas reconnaître Chypre, pourtant membre de l’Union européenne, et dont l’entrée est incompatible avec les exigences de l'union politique. Je suis favorable à la réunification de l’Europe, mais non à l’élargissement pour l’élargissement, qui est contraire à l’ambition française d’une Europe politique. Les Balkans ont évidemment vocation à intégrer l’Union, mais l’Europe a le droit et le devoir de décider d’une pause, afin de changer les institutions, de se renforcer et de définir un partenariat privilégié (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert - La ratification du traité d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne marque le terme d’un processus vieux de dix ans. Une nouvelle fois, le visage de l’Europe va changer de contours. Avec l’intégration de ces deux pays balkaniques, notre continent poursuit son union. Des Européens rejoignent d’autres Européens pour construire un projet politique commun.

La Roumanie et la Bulgarie comptent trente millions d’habitants, soit 6 % de la population européenne. Leur poids économique est faible mais leur développement manifeste, avec un taux de croissance trois fois supérieur au nôtre.

Au milieu de la morosité et du scepticisme ambiants, leur adhésion nous rappelle que la foi en l’Europe perdure. N’oublions pas tout ce qu’elle nous a apporté et les espoirs qu’elle continue d’incarner. Comment nos pays pourraient-ils affronter seuls les problèmes que pose une économie libérale sans cesse plus affranchie de l’intérêt des peuples et gouvernée par le profit ? Notre histoire et notre culture communes sont les piliers sur lesquels nous devons édifier un nouvel avenir.

Certes, l’imparfaite construction européenne est aujourd’hui à la croisée des chemins. Pourtant, que les peuples des marges de l’Union souhaitent y adhérer prouve que nous avons eu raison de mener cet effort depuis un demi-siècle. Notre nombre n’est pas un obstacle à la réussite, car l’union fait notre force. La réflexion nécessaire et audacieuse qui doit s’engager sur notre avenir commun doit permettre à chacun de trouver sa place dans un monde plus harmonieux.

La Roumanie et la Bulgarie souhaitent participer à cet avenir. Européennes par la géographie et par la culture, ces deux nations manifestent une forte volonté d’adhésion, tant populaire que politique. Le processus engagé est évident et inéluctable.

L’Europe politique d’aujourd’hui est loin de ressembler à celle des fondateurs, et ne peut en être le simple prolongement. Le projet de Constitution européenne, qui s’en inspirait, a montré ses limites : les peuples de deux pays fondateurs l’ont rejeté. L’Europe actuelle est loin d’être aussi homogène que celle des années 1950 : aux problèmes nouveaux, il faut répondre par des solutions nouvelles.

Bienvenue à la Roumanie et à la Bulgarie. Notre proximité historique et culturelle avec ces deux nations amies doit nous encourager à y développer nos investissements.

D’aucuns voient une menace dans cet élargissement qu’ils souhaitent reporter. À ce titre, je regrette que le débat en cours à la Commission européenne interfère avec la ratification du traité, qu’il ne remet pas en cause. Ce processus d’adhésion, acté par un traité et approuvé par le Parlement européen, a d’ailleurs déjà été ratifié par dix-sept États membres. La Commission discute de mesures d’accompagnement de l’adhésion, comme le gel des accords européens dans certains domaines en cas de difficultés persistantes. De telles clauses de sauvegarde particulières existent déjà pour les dix membres entrés en 2004, en matière d’installation de leurs ressortissants dans l’Union et de politique monétaire ou douanière, par exemple. Les exceptions temporaires n’empêchent pas l’Union de fonctionner. Je ne peux me résoudre à croire à l’hypothèse d’une clause de sauvegarde générale, qui reviendrait de facto à reporter les adhésions roumaine et bulgare d’un an. Une telle mesure entraverait le retour du climat de confiance indispensable aux réformes qui s’imposent. En tout état de cause, les propositions auxquelles travaille activement la Commission devront être unanimement approuvées par le Conseil européen, en association avec notre Parlement et le Gouvernement.

Le débat, pourtant, n’est pas technique. Aujourd’hui, la représentation nationale doit voter solennellement l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie au sein de l’Union européenne, et les y accueillir comme il se doit, compte tenu des liens historiques, linguistiques et culturels qui nous unissent à elles et qu’il faudra encore renforcer. (Applaudissements de M. Jacques Myard et sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Folliot – L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ne peut que profiter à l’Union européenne. Ces deux pays ont déjà bénéficié d’importantes aides de pré-adhésion pour intégrer l’acquis communautaire : 3,53 milliards pour la Bulgarie et 6,8 milliards pour la Roumanie. S’ils sont des partenaires économiques importants, des efforts restent encore à fournir en matière de consolidation de la démocratie et de contrôle des frontières. En outre, alors que la crise politique frappe l’Europe, le groupe UDF est attaché à privilégier l’approfondissement des institutions plutôt que l’élargissement de l’Union.

L’adhésion de ces deux pays n’en est pas moins positive pour la France et pour l’Union. La constitution d’un grand marché unique de 480 millions d’habitants permettra à la France de dynamiser ses échanges avec la Roumanie et la Bulgarie, dont elle est respectivement le troisième et le sixième partenaire avec un solde commercial positif. De nombreuses entreprises françaises se sont déjà implantées en Roumanie et Bulgarie, employant environ 78 000 personnes dans des secteurs aussi stratégiques que la banque, les télécommunications, l’eau, l’énergie, la grande distribution, les biens d'équipements, l'industrie pharmaceutique et agroalimentaire, ou encore le textile. Avec 11 % du stock des investissements directs étrangers, la France est ainsi devenu un des plus importants investisseurs en Roumanie.

Tout aussi fondamental est l'enjeu géopolitique de l'intégration de ces deux pays, la Bulgarie étant membre de l'OTAN, et remplissant – comme d’ailleurs la Roumanie – un rôle de stabilisateur dans la zone des Balkans.

Soulignons enfin l'importance que revêtent ces deux pays pour la francophonie, dont le Xle sommet se déroulera en septembre prochain en Roumanie, pays où près de 20 % de la population parlent le français. Lors du déplacement de la délégation parlementaire en Roumanie, les rencontres successives avec les responsables nationaux se sont ainsi presque exclusivement déroulées en langue française.

J’ajoute que la France cultive de nombreux partenariats avec la Roumanie, notamment au titre de la coopération décentralisée, dans des domaines aussi variés que l'éducation, la protection de l'enfance, la gestion locale ou la coopération intercommunale. L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie serait donc un véritable atout pour notre langue, dont l'influence au sein de l'Union européenne n'en sera que renforcée.

Il n’en reste pas moins que des problèmes subsistent. Le rapport de la Commission européenne, remis le 25 octobre 2005, démontre ainsi que des efforts doivent encore être fournis dans la lutte contre le blanchiment des capitaux, dans le domaine de la pêche et de l'environnement, mais aussi de la politique sociale. Ces deux pays ont également accumulé d’importants retards en matière d'application des politiques communautaires relatives aux visas et à la lutte contre la drogue. Par ailleurs, les mécanismes de coopération judiciaire européenne ne sont pas assez intégrés, ce qui pourrait fragiliser la sécurité intérieure de l'Union.

La commission a enfin identifié des secteurs « particulièrement préoccupants » dans lesquels les candidats doivent impérativement redoubler d'efforts – le piratage et la contrefaçon, les structures d'accueil de la PAC, la sécurité vétérinaire, le contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne, la corruption, les capacités de contrôle et d'absorption des fonds européens, ou encore la criminalité organisée s'agissant de la Bulgarie.

Compte tenu de l’importance de ces sujets pour la stabilité de la zone Europe, des réserves importantes s’imposent et je vous invite, Monsieur le ministre, à prêter la plus grande attention à ces préoccupations.

Le rapport de la commission des affaires étrangères du Parlement européen a de même souligné que les progrès n'ont pas été suffisants dans de nombreux domaines. Faisant état de « retards persistants » dans la lutte contre la corruption et dans l'application de la législation dans les domaines de l'agriculture, des marchés publics et de l'environnement, la commission parlementaire invite la Roumanie à prendre des mesures immédiates afin de pouvoir adhérer à l'Union le 1er janvier 2007.

Les députés ont déploré également les mesures discriminatoires qui subsistent dans les lois électorales roumaines et qu’a repris le projet de loi sur les minorités, réclamant l'adoption dans les plus brefs délais possibles d’une législation conforme aux critères de Copenhague.

N’oublions pas non plus la problématique du peuple Rom, ou tzigane, qui représente une importante communauté en Bulgarie et en Roumanie, mais aussi dans d'autres pays d'ex-Yougoslavie et de l'ancien bloc communiste. Rappelons que le droit de se déplacer dans l’Union européenne n’est pas un droit à l’installation.

Certes, l’adhésion de ces deux pays n'est plus contestable et un report d'une année supplémentaire serait peu acceptable, mais je voudrais profiter de ce vote pour souligner l'urgence d’une réflexion sur l'identité européenne et l’élargissement.

Une fois que la Roumanie et la Bulgarie auront intégré l'Union européenne, il faudra en effet se concentrer sur la réussite de leur intégration et la coordination de leurs systèmes internes avec ceux des autres États membres. Espérons que la transition de cinq ans qui leur est accordée pour certaines politiques communes leur sera salutaire. Afin d’éviter tout dumping, nous devons ainsi veiller à l’intégration de la politique sociale et à l’harmonisation des politiques fiscales.

L'adhésion de ces nouveaux pays n’ira pas sans provoquer des blocages au sein du fonctionnement institutionnel européen. Compte tenu des difficultés qu'a suscitées l'adhésion des dix pays d'Europe centrale et orientale en mai 2004, nous devrons également réformer en profondeur le mode de fonctionnement des institutions européennes.

L'Union européenne traverse en effet une grave crise politique depuis le rejet du traité constitutionnel. Depuis longtemps, l'UDF souhaite que soit posée la question de l'identité de l'Europe et de ses frontières : si la Bulgarie et la Roumanie ont vocation à rentrer dans l'Europe, il n'en va pas de même pour tous les pays candidats, pour certains desquels des partenariats privilégiés constitueraient une solution plus satisfaisante. Si l'Europe doit s'approfondir, elle doit d'abord se définir en tant que telle et réformer ses institutions pour devenir un espace social et politique réussi.

Je rappellerai enfin le souhait de l'UDF que le Parlement soit désormais consulté sur les futurs élargissements avant toute ratification par référendum. J’ajoute que seul un vote solennel à l'Assemblée aurait été à la hauteur de la volonté et du besoin d’Europe des nouveaux États membres. Il y va de l'avenir de nos citoyens, et il paraît légitime que leurs représentants soient associés.

Sous ces réserves, le groupe UDF approuvera le projet et souhaite la bienvenue à la Roumanie et la Bulgarie dans l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs de la commission)

M. Christian Philip - Je crois à l'idée européenne, à une Europe forte qui rendra plus forte la France en son sein. Je crois en une Europe élargie, facteur de paix et de démocratie. Nous ne pouvons refuser l'adhésion de pays incontestablement européens même s'ils sont éloignés du nôtre, car l'Europe ne se limite pas à l'Europe de l'Ouest.

Oui, je crois à l'idée européenne : j’ai consacré à son étude et son enseignement toute ma vie professionnelle, et cette conviction est la source de mon engagement politique aux côtés de Raymond Barre. J’ai vécu le 1er mai 2004 comme une fête, un moment historique, car l'élargissement fut une réunification, l'aboutissement d'un combat de cinquante ans pour mettre fin à la coupure de l'Europe issue de la seconde guerre mondiale. Vous imaginez combien j’ai été déçu que nous ne sachions pas faire partager à nos compatriotes de tels sentiments.

La présence de la Bulgarie et de la Roumanie à la table européenne me semble si incontestable que je devrais me réjouir que ces deux États puissent rejoindre ceux qui sont entrés il y a deux ans. Je le devrais d'autant plus que ces deux pays ont avec la France des liens étroits, au point que c'est à Bucarest que se tiendra à l’automne le sommet de la Francophonie. Mais parce que je crois à l'idée européenne, je ne peux que m'interroger sur le moment et les conditions de la ratification de ces deux traités d'adhésion.

Le moment me semble en effet bien mal choisi, car nous n'avons pas organisé en 2004 de débat public sur l’élargissement, ce qui nous aurait pourtant permis de convaincre nos compatriotes que ce défi était une chance à saisir. En votant « non », les Français n'ont pas refusé l'idée européenne, mais ils ont dit clairement qu'ils ne comprenaient plus ce qu'était devenue l'Europe d'aujourd'hui : où va-t-elle et avec qui ?

En l’absence de tout « plan B », les Français attendaient, et attendent toujours, qu'on leur explique pourquoi nous avons besoin d'un nouveau traité constitutif, et avec quels pays nous entendons bâtir l’Union, c’est-à-dire selon quelles frontières. Hélas, nous n’avons pas su répondre à cette double interrogation.

M. Jérôme Lambert - Ils ont la réponse, il suffit de les écouter !

M. Christian Philip – Et pourtant nous décidons d'ouvrir des négociations d'adhésion avec deux nouveaux pays, dont l'un n'appartient pas à l'Europe d’après la majorité de nos concitoyens, et nous ratifions aujourd'hui l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie…

Dans la bouche de mes étudiants et de mes électeurs, j’entends les mêmes interrogations : l'Union ayant décidé de marquer une pause de réflexion sur le traité constitutionnel, même si l’on a demandé à l'Allemagne de préparer une relance du processus à la fin de sa présidence, n’aurait-il pas été logique de marquer la même pause en matière d'élargissement ?

Parce que nos compatriotes pensent que l'Europe refuse de comprendre le « non » de l'an dernier, ils s'écartent encore davantage de cette Europe : si nous soumettions aujourd'hui à référendum ces deux traités d'adhésion, la réponse des Français serait incontestablement « non ». Notre ratification sera donc incomprise et elle n’aidera pas les Français à se réapproprier l'idée européenne !

L’Europe ne peut plus se faire sans les peuples, nous a déclaré le ministre. Il a raison mais je regrette que nous l’oubliions encore ce soir. Certes, je n’ignore pas les promesses faites à la Bulgarie et la Roumanie, ni les engagements pris, ni le processus déjà engagé. Je sais qu’un refus n’aurait pas été compris, et je sais que ces deux pays espèrent que l’entrée dans l’Union accélérera le règlement de leurs problèmes institutionnels et leur développement économique.

Je sais également que la responsabilité d'un Gouvernement et celle du Parlement n'est pas de suivre nécessairement l'opinion, mais d'apprécier la décision à prendre en fonction de l'intérêt de la France. Je sais qu’un refus n'aurait pas été accepté par nos partenaires et qu’il aurait ouvert avec deux pays amis et francophiles une crise dont nous serions les premiers perdants. Mais le moment est mal choisi !

Les conditions de ratification des traités d'adhésion ne sont pas plus satisfaisantes. Certes, ces deux pays ont fait d’importants progrès depuis le refus de 2004, mais ils ne suffisent pas. Les conditions fixées n’ont pas été remplies. La Commission ne l’ignorait pas lorsqu’elle a donné un avis favorable à la conclusion des négociations, ni le Conseil quand il a autorisé la signature des traités, mais le courage a manqué pour repousser encore l’adhésion. La Commission a certes reporté à octobre son avis définitif, mais qui peut encore penser qu’elle osera demander un report à quelques semaines de l'échéance, une fois que les 25 auront ratifié les traités ? Et qui peut douter que le Conseil se réfugie derrière cet avis pour donner son aval ? Tout au plus demandera-t-on la mise en œuvre de quelques clauses de sauvegarde pour donner l'impression de ne pas céder. Ce sera reconnaître de fait que la Roumanie et la Bulgarie ne sont toujours pas prêtes. En tout cas, c’est ce que l’opinion publique retiendra, comme elle retiendra que nous serons contraints de refaire ce que nous faisons aujourd’hui avec les autres pays qui frappent à la porte de l’Union, dont la Turquie. Elle a compris que le processus, une fois engagé, est irréversible. Certes, la révision constitutionnelle introduisant le référendum changera les choses, mais si l’on se montre insuffisamment ferme aujourd’hui, qui croira qu’on le sera davantage demain ? Nous préparons ainsi une nouvelle crise.

Voilà pourquoi, même si j’ai envie de souhaiter la bienvenue à la Roumanie et à la Bulgarie, j’avoue mon hésitation. Ni dire oui ni dire non à la ratification ne me satisfera. Pendant longtemps, je me suis convaincu que, militant européen et député français, je devais voter cette ratification parce que la Bulgarie et la Roumanie sont évidemment des pays européens et parce qu’il serait injuste d’en faire les victimes de la crise actuelle. Mais parce que je crois à l’Union, j’ai aussi de plus en plus conscience que nous ne pouvons pas laisser se creuser davantage un fossé entre les Français et l’Europe. Il faut dire à nos compatriotes que nous entendons leur message. Nous devons leur proposer d’urgence un nouveau contrat avec l’idée européenne. Il faut que la déclaration prévue pour le 25 mars 2007, cinquante ans après la signature du traité de Rome, ne constitue pas une nouvelle déclaration sans contenu mais énonce nos objectifs communs pour l’avenir.

Finalement, avec tristesse, mais parce que je crois à l’Europe, parce que nous ne poursuivrons pas notre combat pour l’Europe contre les Français et parce que l’Europe doit se ressaisir, je ne voterai pas la ratification. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Dufau – Par un heureux hasard de calendrier, j’étais ce matin à Bucarest. Président du groupe d’amitié franco-roumain, j’ai eu l’honneur de clôturer le programme de jumelage européen Phare qui vise à former les parlementaires et les hauts fonctionnaires roumains. Vous imaginez l’impatience des autorités roumaines et bulgares concernant notre vote, comme vous mesurez leur espérance !

La ratification est de fait un moment décisif. Il s’agit tout d’abord de l’aboutissement d’un engagement réciproque entre la Bulgarie, la Roumanie et l’Union. L’adhésion n’est pas « un long Danube tranquille ». La Bulgarie et la Roumanie sont liées à la communauté européenne depuis les accords européens entrés en vigueur en février 1995, l’année de leur candidature à l’adhésion. Les négociations ont été ouvertes le 15 février 2000 pour aboutir le 25 avril 2005 au traité de Luxembourg signé par les deux pays comme par les vingt-cinq États membres actuels de l’Union. Pendant cette période, les crédits européens de pré-adhésion distribués dans le cadre des programmes Phare, Ispa, Sapard ont atteint 3,5 milliards pour la Bulgarie et 6,8 milliards pour la Roumanie. Enfin, le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 a entériné la conclusion des négociations et confirmé l’adhésion au 1er janvier 2007. Conformément au traité de Luxembourg, les 27 États concernés doivent se prononcer avant le 31 décembre 2006. Tous les observateurs reconnaissent les efforts considérables et les progrès sensibles accomplis par la Bulgarie et la Roumanie sur les 31 chapitres ayant fait l’objet des négociations. Tout n’est évidemment pas parfait pour autant, mais la situation de ces pays est comparable à celle d’autres États déjà membres. Non seulement attendre le 1er janvier 2008 n’apporterait rien d’essentiel mais ce serait une suprême humiliation qui susciterait rancœur et ressentiment. Il faudra toutefois accompagner pendant plusieurs années la Bulgarie et la Roumanie dans leur développement économique certes mais également dans leur développement social. Peut-être a-t-on d’ailleurs eu tort de considérer l’Union simplement comme un grand marché.

La Commission européenne a choisi de différer sa décision au mois d’octobre. J’y vois une ultime pression pour que la Bulgarie et la Roumanie ne relâchent pas leurs efforts, mais je ne doute pas de la décision finale, qui pourrait être assortie de clauses de sauvegarde générales – même si je n’y crois pas – ou particulières. L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie au 1er janvier 2007 et dans un même élan me paraît probable, et il me paraît certain qu’il faudra mettre en place un suivi de ces pays après leur adhésion, pour contrôler notamment la pertinence de l’utilisation des fonds structurels.

La Bulgarie et la Roumanie ont toujours entretenu des relations privilégiées avec la France. Les liens historiques sont connus, spécialement avec la Roumanie. « C’est la famille ! », disait le général Berthelot au maréchal Foch lors du passage d’un détachement roumain pour le défilé du 11 novembre 1919. Je n’oublie pas non plus ce que nous devons à Ionesco ou à Cioran. Aujourd’hui, la France est le troisième partenaire économique de la Roumanie et nos entreprises occupent une place importante dans l’industrie automobile ou la grande distribution. Vingt pour cent des Roumains sont francophones et le français est la deuxième langue étrangère enseignée en Roumanie. Ces pays, dont la croissance oscille entre 4 % et 8 % ces dernières années, offrent des débouchés importants pour nos entreprises. Le sommet de la francophonie qui rassemblera 63 délégations en septembre prochain à Bucarest, constituera un moment fort. La ratification du traité par notre Assemblée en fera un traité historique et aura un impact décisif, compte tenu de la situation géopolitique et géostratégique de ces deux pays.

L’Union a appliqué à la Bulgarie et à la Roumanie le dispositif des périodes transitoires sur la libre circulation des travailleurs. Compte tenu de la situation de son marché de l’emploi, la France appliquera aux travailleurs de ces deux pays son système d’autorisation administrative, pendant cinq ans après l’adhésion. Gardons-nous donc de tout fantasme à ce sujet. D’autre part, une fois devenues États membres, la Bulgarie et la Roumanie n’intégreront pas de façon automatique l’espace Schengen. Les contrôles aux frontières intérieures de l’Union entre ces deux pays et les États de l’espace Schengen seront maintenus. Leur entrée future dans cet espace sera subordonnée à l’application des critères adéquats et à une décision unanime des États membres. Mais la Bulgarie et la Roumanie constitueront la frontière extérieure de l’Union aux confins de l’Ukraine, de la Russie et du Proche-Orient.

Ainsi, renforcer les liens entre la France et ses alliés francophones n’est pas anodin. L’axe politique et diplomatique Paris–Bucarest–Sofia sera très important. C’est d’autant plus vrai qu’après l’élargissement de l’Union à la Roumanie et à la Bulgarie, il convient de marquer une pause dans le processus d’élargissement afin de réfléchir aux institutions européennes ainsi qu’à l’harmonisation fiscale et sociale : la concurrence libre et non faussée ne constitue pas, en effet, une valeur suffisante pour fonder l’Europe. Je regrette à ce propos la timidité des États membres pour doter l’Union du budget dont elle a besoin : ce n’est pas avec 1,049 % du PIB des États membres que l’Europe pourra relever les défis de l’emploi et du progrès social !

On ne peut laisser la Roumanie et la Bulgarie au milieu du gué. Ces pays ont besoin de l’Europe et la France se doit de leur ouvrir la porte. Responsable et lucide, le groupe socialiste votera donc en faveur de la ratification du traité d’adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Chantal Brunel - C'est à titre personnel que je vous fais part, Monsieur le ministre, de mes réserves sur l’adhésion à l’Union de la Roumanie et de la Bulgarie au 1er janvier 2007. C'est en effet trop tôt pour trois raisons : ces pays ne sont pas prêts, cela alourdira le fonctionnement de l'Europe et les Français n'y sont pas favorables.

Ces pays ne sont pas prêts. Le rapporteur à l’élargissement a constaté de graves manquements aux règles communautaires dans les domaines de la criminalité organisée et de la lutte contre la fraude, la corruption et le blanchiment d'argent pour la Bulgarie, et dans la gestion des fonds structurels pour l'agriculture, pour l'environnement et pour la sécurité alimentaire pour les deux pays – sans parler des droits de l’homme. Nul ne peut par ailleurs ignorer les problèmes que nous rencontrerons en matière de fraude avec des États dont l'ossature juridique et administrative est insuffisante.

Le fonctionnement d'une Europe à 25 est déjà chaotique. Qu'adviendra-t-il d'une Europe à 27 où chaque État a le même pouvoir de blocage et le même souci de défendre ses intérêts ? Pourquoi accueillir si vite deux nouveaux pays, alors que l’on déplore déjà chez certains États membres des pratiques de dumping fiscal ou social et le refus de respecter les droits de propriété industrielle et commerciale ? Le refus d'un élargissement non maîtrisé – et insuffisamment préparé lors du passage à 25 – a d'ailleurs été une des causes du rejet par les Français du projet de constitution européenne. Il aurait fallu se doter de cette constitution avant de procéder à un nouvel élargissement. Le traité constitutionnel apportait certes des améliorations par rapport au traité de Nice, mais nos concitoyens ne sont pas entrés dans ces subtilités. Ils ont considéré que la France allait se diluer dans un ensemble incertain et mouvant. Il est donc indispensable d'aboutir sur le plan des institutions avant d’admettre de nouveaux États membres.

Beaucoup de Français ne sont pas favorables à l'élargissement. Il y a bien sûr la grande peur des délocalisations, mais aussi la crainte de la compétition au « moins-disant social ». Avant d'admettre de nouveaux membres, il faut donc se mettre d'accord sur des objectifs et sur un calendrier d’harmonisation sociale et fiscale. Certes, les travailleurs bulgares et roumains ne bénéficieront pas de la libre circulation des personnes pendant une période transitoire, qui peut aller jusqu'à sept ans. Mais les contrôles seront-ils efficaces ?

Si des promesses ont été faites, nous nous devons de privilégier la solidité de l'édifice qu'est la construction européenne. L'Europe doit trouver un consensus sur ses frontières, ses institutions, son budget, sa vision du social et de l’économique. Nous devons être intransigeants quant aux conditions d'admission de nouveaux membres et veiller à ce que les élargissements ne provoquent aucun déséquilibre. Après la Bulgarie et la Roumanie, viendra le problème de l'adhésion de la Turquie. Certes, le chef de l'État s'est engagé à demander aux Français de se prononcer par référendum. Mais là aussi, des promesses ont été faites et des négociations engagées ; on nous expliquera qu'il est difficile de refuser un pays qui a commencé à se réformer. L'entrée dans l'Union est une source d'enrichissement et de développement pour ces pays, mais pour beaucoup de nos concitoyens, cette Europe, synonyme de mondialisation et d'ultralibéralisme, menace nos emplois et nos acquis sociaux.

Je suis donc convaincue qu'en reportant à 2008 l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, et en mettant à profit cette période, nous servirons la cause européenne. Il ne s'agit pas de frilosité ; il s'agit d'avancer de manière réaliste et acceptable pour nos concitoyens.

M. Jean-Louis Bernard - Très bien !

M. François Loncle - Il va de soi que, pour notre part, nous ratifierons le traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, pour les raisons évoquées par mes collègues Jérôme Lambert et Jean-Pierre Dufau et pour celles que mentionnent les excellents rapports de Jérôme Lambert, Jacques Myard et Hervé de Charette.

L’élargissement à l’Est concernait à l’origine douze pays. Dix d’entre eux, dont huit appartenaient à l’ancien bloc soviétique, ont rejoint l’Union le 1er mai 2004. La Bulgarie et la Roumanie auront attendu trois années de plus. Cependant, beaucoup d’entre nous l’ont vérifié, le travail accompli dans ces deux pays est considérable. Parce que l’identité européenne y est forte, parce que ce sont des pays du sud du continent, dont nous avons besoin pour assurer un équilibre au sein de l’Union, et parce que leur appartenance à la francophonie est incontestable, ils conforteront notre Union. Cet élargissement s’impose donc, mais il doit ouvrir la voie à une réflexion sur le devenir de l’Europe.

La géographie fait souvent l’histoire : les pays de l’ex-Yougoslavie ont aussi vocation à nous rejoindre, comme l’a fait la Slovénie en 2004 et comme le fera la Croatie, dont le niveau de préparation est comparable à celui de la Bulgarie et de la Roumanie. Bien des progrès doivent certes être accomplis, et il faudra démontrer à nos peuples que l’Europe se construit par le haut. En attendant, il faut mener une vraie réflexion sur les frontières ultimes et l’organisation future de notre continent. Nous ne pouvons plus continuer dans l’incertitude et dans l’ambiguïté. Se borner à décréter une pause dans l’élargissement n’est pas davantage acceptable. S’il faut mieux prendre en compte les intérêts et les capacités de l’Union, il faut surtout débattre et informer. En 1991, la commission des affaires étrangères, présidée alors par Michel Vauzelle, avait lancé un travail approfondi sur les limites géographiques, à partir d’un rapport de l’excellent géographe Michel Foucher. Quinze ans plus tard, la question est pourtant toujours taboue. Or, l’attentisme conduit à la pire des situations, celle que nous vivons depuis quelques années en Europe, faute de volonté politique : la fuite en avant. Les élargissements permanents et le refus de répondre aux interrogations des citoyens ont participé du rejet français et néerlandais de la construction européenne. Comme l’écrivait récemment Hubert Védrine, « ce que les Français et les Néerlandais ont clairement rejeté, c’est une forme de construction européenne telle qu’elle a été progressivement imposée aux peuples et aux nations depuis plusieurs années : prédominance du seul marché comme système de régulation sociale, nivellement bureaucratique des spécificités nationales, obstacles à la libre circulation, élargissements successifs et rapides mal préparés, diluant la possibilité d’une Europe politique, éloignement des décisions et sentiment partagé d’une tromperie de la part des défenseurs du « oui », qui continuaient à affirmer que l’Europe protège un modèle social en fait miné de l’intérieur… Derrière ce rejet d’une forme politique, s’est exprimé le refus d’admettre que ce qui fait l’identité de la nation soit devenu illégitime sous prétexte que l’intégration européenne postule l’effacement des nations. »

Pour sortir de la crise et promouvoir une Europe ambitieuse et harmonieuse, « différenciée », pourquoi ne pas revenir à l’Europe des trois cercles imaginée par François Mitterrand, Laurent Fabius et bien d’autres ? Au centre, on trouverait les pays les plus « euro-volontaires » – par exemple la zone euro –, unis autour de projets communs et partageant la même conception de leur actions dans la mondialisation ; au-delà, les États membres de l’Union, et à la périphérie, ceux avec lesquels un partenariat privilégié s’impose – Turquie, Ukraine, pays de la zone méditerranéenne. Bref, oui au traité d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie – c’est le sens de l’histoire ; non à la fuite en avant ; et oui à un grand débat sur les finalités de l’Union ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Myard - J’ai eu le privilège d’effectuer, pour la Délégation pour l’Union européenne, deux missions en Roumanie, en décembre 2003, puis en mars 2006. J’atteste qu’entre ces deux dates, ce pays a accompli des progrès économiques et politiques considérables. Il n’y a donc aucune raison de différer son entrée dans l’Union européenne. Dans son rapport du 16 mai dernier, la Commission européenne a d’ailleurs admis que la Roumanie satisfait désormais aux critères d’adhésion et qu’elle dispose d’une économie de marché viable. Quant à la reprise de l’acquis communautaire, elle reconnaît que ce pays a atteint un niveau très élevé d’alignement de sa législation, et je sais qu’elle a atteint la même conclusion pour ce qui concerne la Bulgarie.

À mes yeux, la Roumanie est qualifiée pour entrer dans l’UE au 1er janvier 2007. Toutefois, la Commission a pris prétexte de quelques points techniques et secondaires pour différer à octobre sa recommandation d’entrée. Elle souligne notamment des insuffisances en ce qui concerne l’agrément d’organismes payeurs opérationnels pour la PAC, le système intégré de contrôles dans l’agriculture ou la mise en place d’installations d’équarrissage… C’est en effet vital pour la survie de l’Union ! À l’évidence, le paroxysme d’une vision technocratique est atteint dans ces remarques : décalées par rapport aux enjeux, elles posent le problème de la place de la Commission. En décembre dernier, à cette tribune, le président Balladur disait qu’il fallait la placer sous l’autorité du Conseil et, à l’évidence, la mesure s’impose !

Les enjeux de l’adhésion des deux candidats sont politiques et géostratégiques. L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie s’inscrit dans la logique de la reconstruction du continent européen après la chute du Mur de Berlin. L’enjeu est là, pas dans une vision technocratique et réductrice. Cela ne signifie pas que tout va être réglé au 1er janvier 2007. Les deux pays ont encore beaucoup à faire pour se mettre à niveau, comme nous d’ailleurs ! Et je me fais souvent la réflexion que, si on nous avait obligés au strip-tease auquel on contraint les États candidats, il n’est pas sûr que nous aurions été qualifiés dans tous les domaines ! (Sourires)

Il est de notre intérêt politique de faire entrer ces pays dans l’Union. Au plan national, la Roumanie est l’un des États des Balkans qui cultivent depuis toujours des liens avec la France. « Saluez, Foch, c’est la famille ! » L’apostrophe lancée le 11 novembre 1919 sur les Champs-Élysées par le général Berthelot est restée ancrée dans la mémoire populaire roumaine.

Pays éminemment francophone, la Roumanie accueillera à l’automne le sommet de la francophonie. J’en profite pour rappeler, Monsieur le ministre, qu’il est parfaitement inadmissible que la Commission ait imposé l’anglais comme langue des négociations. J’en ai fait la remarque à la Commission et je regrette que le gouvernement français n’ait pas protesté officiellement. La multiplicité des langues est source d’enrichissement. Il ne faut pas accepter de s’en remettre à un « globish » décalé et aliénant. J’attends sur ce point quelques explications.

Au plan économique, la France est le premier investisseur en Roumanie, et aussi en Bulgarie, selon les secteurs et les années. C’est dire combien les liens qui nous unissent sont intenses et globaux.

L’adhésion des deux pays représente une chance pour l’organisation du continent. Cet élargissement – cela a été regretté par ceux qui refusent la réalité du monde – fait suite à l’entrée de dix autres États, il y a peu. Et j’espère que cette nouvelle entrée va ramener un peu de raison dans la construction européenne. Il y a là une occasion historique d’arrêter la dérive d’une construction européenne que rejette le peuple lui-même. Jusqu’à présent, on a raisonné en effet en termes d’« intégration » : c’était la formule magique, une sorte de credo intégriste tendant à inclure l’ensemble des nations européennes dans une superstructure supranationale omnipotente. Tout devait être régi selon les mêmes normes, non plus de Dunkerque à Tamanrasset, mais d’Helsinki à Salonique… L’esprit jacobin centralisateur avait gagné Bruxelles ! Mais ce qui est envisageable dans un cadre national devient incongru au-delà. C’est pourquoi il faut cesser de penser l’Europe comme un bloc et de rêver, cher Christian Philip, à des chimères comme l’Europe puissance… La réalité démontre chaque jour que cette idéologie est obsolète car elle correspond à l’époque révolue du monde bipolaire, à celle de la conférence de Messine, où l’on voulait voir dans l’Europe un nouveau bloc à même de concurrencer les deux Grands.

Aujourd’hui, il nous appartient de repenser l’Europe en fonction des réalités, en refusant l’esprit de système qui conduit à proposer un modèle pour contraindre les réalités nationales. Partir des réalités, c’est d’abord prendre conscience que le quantitatif pose un problème qualitatif. L’Europe à 27 est inéluctable et ne peut fonctionner comme celle des Six. Il y a quelques années, j’avais rédigé un article intitulé : « l’Europe doit s’élargir et s’amaigrir ». Nous avons franchi la première étape. Il convient d’engager la seconde avant que tout ne soit frappé d’apoplexie !

Un chiffre : il y a deux ans, la Roumanie devait intégrer 80 000 pages d’acquis communautaires ; deux ans après, nous en sommes déjà à 90 000 pages, et la machine à mouliner les textes continue de fonctionner.

L’Europe doit s’en tenir à l’essentiel. Le principe de subsidiarité doit prévaloir. La montée de la réglementation européenne doit être endiguée. L’autre élément d’évidence à prendre en compte – et je ne suis pas persuadé que cela ait pénétré beaucoup d’esprits –, c’est la globalisation, laquelle transcende la construction européenne en effaçant les frontières et les distances. Dans le village planétaire, nous sommes, maintenant, dans nombre de domaines, aussi proches des Américains et des Japonais que nous l’étions jadis des Belges ou des Allemands ! Le projet européen ne peut plus être exclusif de tous les autres. Lorsque il fallu se marier, Renault a choisi la geisha Nissan, Snecma General Electric, et Daimler Chrysler…

Du point de vue politique aussi, il faut regarder les choses telles qu’elles sont. Lors de la crise irakienne, le France a trouvé plus d’alliés hors d’Europe que parmi les États membres, la plupart d’entre eux s’alignant sur la position américaine. En redessinant la carte des Goethe Institut, l’Allemagne redéploie ses intérêts en Asie, là où sont les marchés émergents les plus porteurs pour elle. Tout cela prouve bien que nos intérêts – tout en étant européens – sont aussi mondiaux. Le système européen ne saurait être l’alpha et l’oméga de notre avenir. Nier ces réalités, c’est échouer à coup sûr. Il est donc évident que le projet européen doit s’adapter au monde, car ce n’est pas le monde qui s’adaptera à l’Europe.

Pour ma part, il n’existe pas une seule solution, mais plusieurs. Il y a d’abord les relations transnationales, en particulier dans le domaine économique : sans doute faut-il établir une certaine préférence communautaire, aujourd’hui dissoute dans le processus de globalisation. Il est patent que des normes doivent régir ces relations, sous l’autorité politique du Conseil, chargé par ailleurs de définir la politique industrielle qui fait aujourd’hui défaut. Un autre niveau est celui des États souverains. Il y a place, sur ce marché régulé, à une réelle union d’États, ayant vocation à développer les coopérations en tant que de besoin, entre Européens mais sans exclure les autres. Cette union d’États devra, à moyen terme, tendre à jouer le rôle d’une sorte de Conseil de sécurité européen, en incluant la Russie, Monsieur le ministre. Car la Russie participe de l’équilibre européen : rien de stable, rien de durable ne peut se faire sans elle, dans le cadre d’un système beaucoup plus souple que le dogme de l’intégration européenne.

Telles sont les raisons qui militent pour l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dès le 1er janvier 2007. L’Europe intégriste de papa est morte. Elle a été rejetée par les peuples parce qu’elle ne correspond plus à la réalité. Seule une Europe des nations, des coopérations multiples et des projets permettra de répondre à la nécessité de développer le dialogue entre tous les États du monde, dans le cadre d’une mondialisation maîtrisée et dans le respect de la libre souveraineté des peuples.

M. Christian Kert – L’essentiel de la mécanique de l’intégration ayant été parfaitement décrit, il n’est nul besoin d’y revenir, sauf pour rappeler que cette double adhésion obéit à une logique d’ensemble d’élargissement de l’Union européenne, envisagée au terme d’un travail long et rigoureux.

Je tiens à insister en premier lieu sur l’ancienneté de nos liens avec ces deux pays. Dans son excellent rapport, Hervé de Charette rappelle que la Bulgarie – ancienne Thrace, citée déjà par Homère – jette un pont vers le monde slave. Au moins aussi fort est l’ancrage de la Roumanie à l’Europe en général et à la France en particulier. En effet, la Roumanie est plus francophile encore qu’elle n’est francophone, et c’est avec raison qu’ont été rappelés les liens culturels séculaires qui nous unissent. La diffusion de notre langue en Roumanie remonte au XVIIIe siècle, lorsque les élites roumaines se formaient en Sorbonne. Dans le domaine politique, nos liens privilégiés découlent du rôle joué par Napoléon III dans la création du jeune État roumain – et Philippe Séguin se souvient encore avec émotion de l’accueil qui lui fut réservé à Bucarest, lorsqu’il vint y présenter son ouvrage consacré à cet empereur.

Sous le régime communiste, les liens ont persisté en dépit de tout, grâce, notamment, à la visite du général de Gaulle, en 1968, alors que beaucoup tournaient le dos à la Roumanie et ignoraient les souffrances de son peuple. Les événements de décembre 1989 ont scellé nos retrouvailles, en ces instants inoubliables où un peuple recouvrait sa liberté cependant que nous découvrions, médusés, que les Roumains, amoureux du français, le parlaient à la perfection.

M. le Ministre – Absolument.

M. Christian Kert - Parce que l'histoire explique le présent et l'avenir, parce que l'histoire guide les faiseurs de paix, notre histoire commune nous fait exigence de vivre ensemble l'avenir.

Sur le plan économique, la Roumanie est déjà dans l'Europe, puisqu'elle exporte 70 % de ses produits vers les pays de la Communauté. La France peut s'en réjouir, elle qui est déjà le troisième partenaire économique de ce pays et qui a participé à la recréation de son tissu industriel.

Le second argument, c'est celui de nos frontières. Contrairement à certains pays qui frappent à la porte de l'Europe sans avoir avec elle de continuité territoriale certaine, Bulgarie et Roumanie ne sont pas à nos frontières, elles sont nos frontières.

La Roumanie entend assumer un nouveau rôle au plan international avec comme objectif prioritaire de faire prendre en compte les problèmes de la région élargie de la Mer noire dans l'agenda euro-atlantique ; elle entend également instituer des relations de partenariat avec la Moldavie. Plus au nord, les relations nouvelles organisées sur le modèle franco-allemand laissent espérer un apaisement entre Roumanie et Hongrie.

Par ses relations privilégiées avec les États-Unis, par ses relations respectueuses avec la Russie et par le rôle qu'elle entend jouer dans la stabilisation des Balkans, la Bulgarie me paraît quant à elle susceptible d’aider l’Europe à asseoir le territoire d’une communauté apaisée.

En poussant plus loin les frontières d'une Europe pacifiée, l'entrée de ces deux pays nous incite à une autre réflexion sur les frontières. Cette entrée, l'une des dernières à s'organiser sans référendums nationaux, nous laisse penser qu'un temps de pause dans l'élargissement est désormais nécessaire. L'Europe aura bien travaillé, ces dernières années, aux processus d'intégration, mais les résultats du référendum sur le traité constitutionnel et les inquiétudes nées de la perspective de certaines entrées annoncées doivent nous inciter à un travail de réflexion sur l'avenir. Cette réflexion n'exige pas de geler les perspectives ; elle exige de savoir donner du temps au temps.

Le troisième argument est celui de la réponse à des inquiétudes nées des problèmes spécifiques aux pays entrants.

C'est probablement l'afflux d'immigrés en provenance de Bulgarie et de Roumanie qui aura suscité le plus d'inquiétude dans la population, alors que les décideurs politiques se sont plutôt émus des questions de stabilité intérieure, de lutte contre la corruption, de défense commune et de respect des accords Schengen. D’autres avant moi ont déjà dit le travail qu’ont effectué ces deux pays dans tous ces domaines, ainsi que dans d’autres, tels la lutte contre les discriminations ou l’amélioration de la sécurité sanitaire.

En améliorant les conditions de vie, en confortant les droits de l'homme et en sécurisant les populations, l'intégration dans la communauté européenne sera vraiment de nature à enrayer une immigration que les mauvaises conditions de vie, notamment celles faites aux minorités – et l'on pense ici à la minorité Rom – avaient favorisées.

Plus largement, on peut espérer que l'intégration européenne enrayera un autre mouvement, celui de la fuite des jeunes cerveaux, une fuite qui a pris à la fin des années 90 une tournure préoccupante. L’Europe nouvelle n’a pas le droit de se priver de ces intelligences.

Alors que nous étions quelques parlementaires à participer il y a trois ans, à Bucarest, à une session de formation, nous avions vu des étudiants déployer une banderole sur laquelle ils avaient écrit en grandes lettres bleues et en français : « J'ai fait un rêve, il s'appelle Europe ». Cela ne doit d’ailleurs pas nous faire oublier le recul de la pratique du français dans les jeunes générations. Le Sommet de la francophonie de septembre prochain arrive à point nommé pour enrayer le processus qui se développe depuis quelques années avec l’apparition de très nombreuses chaînes de télévision étrangères et la quasi-absence de programmes français. L’avènement de la future chaîne internationale française aidera peut-être à l’indispensable reconquête, Monsieur le ministre.

« J’ai fait un rêve, il s’appelle Europe », disaient donc les étudiants. Nous sommes heureux, au groupe UMP, de participer aujourd'hui, à la réalisation d'un rêve (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Je vous remercie tout d’abord de la qualité de vos interventions, qui témoignent de votre engagement pour l’Europe, engagement à la fois chaleureux et exigeant.

L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie permet d’achever le cinquième élargissement, qui a débuté avec l’entrée de dix nouveaux États membres, le 1er mai 2004. Avec cet élargissement qui scelle l’unification du continent, l’Europe trouve sa géographie politique.

Les conditions d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie ont été définies de façon rigoureuse. Les efforts consentis par ces deux pays ont été considérables. En Roumanie, la coalition issue du changement de majorité qui a eu lieu à la fin des années 2004 a mené une politique de réforme entièrement axée sur l’achèvement de sa préparation à l’adhésion. Je salue d’ailleurs le travail remarquable accompli par les ministres roumains de la justice et de l’intérieur, ainsi que l’action de mon homologue et de la ministre de l’intégration européenne. En Bulgarie, le Gouvernement issu du changement de majorité d’août 2005 a déclaré d’emblée que l’adhésion était sa priorité absolue et a su maintenir les efforts de l’équipe précédente. Sa détermination est forte, comme l’a montré sa réaction immédiate aux remarques de la Commission européenne du 16 mai. Un plan d’action a en effet été aussitôt arrêté pour régler d’ici la fin de l’année les six questions les plus importantes.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les lacunes qui persistent en matière de lutte contre la corruption, la fraude et le crime organisé. Le rapport de la Commission du 16 mai montre effectivement que la Bulgarie doit encore obtenir des résultats dans ces domaines, tandis que la Roumanie doit consolider ses avancées.

Comme vous le savez, les ressortissants bulgares et roumains ne sont plus soumis depuis 2002 à une obligation de visa pour entrer sur le territoire de l’Union européenne. Une fois que ces deux pays seront entrés dans l’Union, les règles strictes sur la circulation et le séjour de leurs ressortissants continueront de s’appliquer. Les travailleurs bulgares et roumains souhaitant exercer une activité salariée se verront appliquer une période transitoire. Leur accès à notre marché du travail sera régi par notre droit du travail.

La Bulgarie et la Roumanie ne seront pas dès leur adhésion membres de l’espace Schengen. Les contrôles aux frontières seront donc maintenus entre ces pays, d’une part, et les pays membres de l’espace Schengen, d’autre part. La Bulgarie et la Roumanie devront néanmoins assurer un niveau élevé de sécurité aux futures frontières extérieures de l’Union.

L’ensemble des orateurs, et tout particulièrement M. Balladur et M. de Charette, ont évoqué le calendrier de l’élargissement. Un report de l’adhésion au 1er janvier 2008 peut intervenir si la Commission le propose et que le Conseil l’approuve. La Commission a réaffirmé à plusieurs reprises qu’elle n’hésiterait pas, si nécessaire, à proposer ce report, conformément au rôle que lui confère le traité d’adhésion. Elle se fondera pour cela sur une évaluation précise de l’état de préparation de ces pays. Je rappelle cependant, Monsieur Myard, que ce n’est pas la Commission qui décidera in fine de la date d’adhésion, mais bien les États membres.

Une seconde série de remarques me conduit à insister sur la chance que représente cet élargissement, tant pour les deux pays concernés que pour la France et l’Europe.

Le coût de leur adhésion est connu et parfaitement encadré. Le traité d’adhésion prévoit en effet que, dans les trois premières années suivant leur entrée dans l’Union, la Bulgarie et la Roumanie se verront allouer un peu plus de 16 milliards d’euros. Lors du Conseil européen de décembre 2005, nous avons veillé à une juste répartition de cet effort de solidarité, comme l’illustre la réduction du chèque britannique.

Au-delà des arguments économiques et de la chance que représente l’entrée de ces deux pays pour la croissance européenne, l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie sont aussi une chance pour la conception de l’Europe que nous défendons, qu’il s’agisse de notre attachement à la diversité culturelle ou de notre attention à la place du français. La Roumanie a en effet 20 % de sa population qui parle le français. Plus de la moitié des élèves y apprennent notre langue. La Bulgarie se place quant à elle au deuxième rang des pays d’Europe centrale et orientale enseignant le français.

Ces adhésions viennent en outre conforter notre conception de la place de l’Europe dans le monde. Je pense en particulier à notre conception de la défense. La Roumanie et la Bulgarie ont engagé une profonde restructuration de leurs forces armées. La France y participe par une coopération très importante.

J’évoquerai aussi notre conception de la nécessité d’une Europe agricole forte, que vient conforter l’adhésion de ces deux pays.

S’agissant de l’usage du français dans les instances européennes, Monsieur Myard, si les documents de travail sont le plus souvent rédigés initialement en anglais au niveau de la Commission, le groupe « élargissement », à Bruxelles, utilise le français et l’anglais, et ces deux langues seulement. Dans les réunions intergouvernementales, les langues officielles sont utilisées et les documents sont disponibles dans toutes les langues de l’Union. Soyez assuré que le Gouvernement veille scrupuleusement à ce que la place du français soit respectée. Je suis d’ailleurs certains que nos partenaires roumains et bulgares nous y aideront.

Monsieur le Premier ministre Balladur, vous avez rappelé les questions qui se posent aujourd’hui concernant l’élargissement, le vote à la majorité qualifiée et les rôles respectifs du Conseil et de la Commission. Une réforme du cadre institutionnel européen est plus que jamais nécessaire, voire, avec l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, obligatoire. Il reviendra à la présidence allemande de faire des propositions et à la présidence française d’obtenir des décisions à la fin du second semestre de 2008, comme l’a rappelé M. Lequiller.

S’agissant de l’avenir des politiques communes et de leur financement, nous aurons en 2008-2009, et sur la base du rapport de la Commission, un nouveau rendez-vous dans l’organisation duquel la future présidence française prendra une part active.

Ce débat est appelé à se poursuivre lors du Conseil européen de décembre. La Commission rendra un rapport spécial sur la capacité d’assimilation, dont M. Balladur a rappelé l’importance : elle est une condition essentielle pour l’adhésion et comporte trois aspects. Un aspect institutionnel, puisque l’Union doit se doter d’institutions adaptées à 27 États membres ; un aspect politique et financier, puisqu’il s’agit du contenu des politiques communes ; une dimension démocratique enfin, comme l’a rappelé M. Loncle, l’élargissement ne pouvant se poursuivre que s’il recueille l’assentiment des opinions publiques.

Permettez-moi de conclure en soulignant que ces deux adhésions, qui permettront de sceller l’unification du continent, ne rendent que plus indispensable la réforme des institutions selon le calendrier décidé lors du dernier Conseil. Enfin, les élargissements futurs dépendront de la capacité d’absorption : le Gouvernement, qui a contribué à faire reconnaître cette notion les 15 et 16 juin, continuera de la défendre. C’est ainsi seulement que les Français pourront se réapproprier l’idée européenne, comme l’ont rappelé MM. Balladur et Philip (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - J’appelle l’article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

L'article unique, mis aux voix, est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF).
M. Jérôme Lambert - Très bien !

La séance, suspendue à 19 heures 5, est reprise à 19 heures 10, sous la présidence de M. Warsmann.

Source - Assemblée nationale

(Portal EUROPE)


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