Ryszard Czarnecki : l’Europe est certainement meilleure et plus libre – mais elle a aussi de sérieux problèmes
Ryszard Czarnecki est un député du Parlement européen membre du groupe des Conservateurs et Réformistes Européens (CRE). Il est né à Londres, RU, en 1963. Czarnecki est vice-président de la délégation à l’Assemblée parlementaire Euronest et membre de la commission contrôle budgétaire et de la commission transports et tourisme. M. Czarnecki a obtenu un master d’histoire à l’université de Wrocław. Il a travaillé comme archiviste et comme journaliste. Il a également été membre du Parlement de la République de Pologne pendant les premier et troisième mandats et ministre de l’intégration européenne (1997-1999). M. Czarnecki donne une interview exclusive au Portail Europe sur le thème des 20 ans après la chute du mur de Berlin.
Où étiez-vous et comment avez-vous réagi à la chute du mur de Berlin et aux changements démocratiques en Pologne ?
Une correction : il y eut d’abord des changements démocratiques en Pologne et seulement ensuite, sous l’influence de ceux-ci, le mur de Berlin est tombé. J’étais alors à Londres et le fait que les troupes soviétiques étaient toujours en poste en Pologne me rendait perplexe quant à cette « révolution pacifique ». Et en effet, les changements étaient très lents.
Comment 1989 vous a-t-il changé comme personne et comme journaliste professionnel ? Y a-t-il des choses que vous regrettez de la période de l’avant 1989 ?
L’éventail de libertés a très certainement été élargi. 1989 a aussi ouvert des opportunités de carrières pour les jeunes journalistes, dont j’étais. A l’âge de 27 ans, je suis entré au secrétariat de l’éditeur d’un périodique mensuel influent, après quoi je suis devenu assistant en chef d’un journal polonais national. A 28 ans, j’étais à la tête d’un périodique régional. La seule chose que je regrette est que le communisme a duré trop longtemps.
Vous avez une expérience professionnelle impressionnante dans des domaines variés –vous avez travaillé comme archiviste, journaliste ainsi que ministre. Comment votre point de vue sur les événements de 1989 a-t-il changé en fonction de vos différents engagements professionnels, s’il a changé ?
Auparavant, j’étais très critique de toute forme de compromis avec les communistes. Aujourd’hui, je crois qu’énormément d’énergie collective et d’enthousiasme ont été gaspillés et que la classe politique établie s’est coupée de la société. En arrivant au Parlement ou au gouvernement, nombre d’entre nous n’avions pas beaucoup d’expérience.
Vous étiez ministre de l’intégration européenne en Pologne à la fin des années 1990. Comment l’opinion publique a-t-elle évoluée au sujet de l’Union européenne dans les vingt dernières années ?
Il y avait alors beaucoup plus de scepticisme par rapport à l’Union européenne. Cependant, même aujourd’hui, de nombreux Polonais croient qu’au sein de l’Union, il faut toujours se battre pour nos intérêts nationaux, comme les Allemands et les Britanniques le font.
Quelles sont les leçons que les Pays d’Europe Centrale et Orientale et les « vieux » Etats membres ont-ils appris de la période de transition qui a suivi 1989 ? Peut-on dire que cette période de transition est terminée ?
La période de transition durera jusqu’à ce que l’Union élimine le décalage qui existe encore entre les pays les plus riches et ceux les plus pauvres d’Europe. Généralement, il y a certainement une prise de conscience que l’Union d’aujourd’hui est une union d’intérêts politiques et économiques.
D’après vous, qu’est-ce qui nourrit la nostalgie pour l’époque de l’URSS et du rideau de fer dans les pays d’Europe centrale et orientale ?
Cela peut être expliqué par une aspiration à retrouver cette période lors de laquelle il y avait certes peu de biens pour les consommateurs mais d’un autre côté où le chômage et la peur de perdre son emploi étaient rares.
Après avoir surmonté le dernier obstacle à la ratification du traité de Lisbonne, quels sont les changements dans la vie des citoyens européens que vous espérez ? Peut-on parler d’une Europe unie ?
Le Traité de Lisbonne a déclenché des passions dans l’élite politique et chez les journalistes, mais pas chez les citoyens ordinaires. Il est trop tôt pour parler d’une Europe unie. Surtout que les pays des anciens “15” se servent parfois des nouveaux Etats-membres comme d’instruments.
Vingt ans après les événements de 1989, quel est le message de l’Europe aux citoyens de la communauté, aux générations qui ont assisté à la transition et aux jeunes ?
L’Europe est différente désormais : on peut voyager où on veut, étudier où on veut, mais on ne peut pas encore travailler où on veut. D’autre part, beaucoup de personnes sont au chômage. Beaucoup n’ont pas confiance dans les institutions démocratiques. L’Europe est certainement meilleure et plus libre, mais en même temps, elle a de sérieux problèmes, défauts et transgressions.