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Actualités / Interviews

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22-06-2010

Magardich Hulian : " Il faut égaliser le montant des aides agricoles entre nouveaux et anciens Etats membres "

Interview de touteleurope.fr.

La réforme de la Politique agricole commune pour l'après 2013 suscite des débats partout en Europe. En Bulgarie cependant, les responsables politiques semblent peu préoccupées par les négociations en cours. C'est en tout cas l'opinion de Magardich Hulian, expert des politiques agricoles à l'European Institute de Sofia, qui revient sur le bilan de la PAC en Bulgarie et la position des nouveaux Etats membres sur sa réforme.

Magardich Hulian est Conseiller sur les politiques agricoles à l'European Institute de Sofia, centre politique indépendant fondé en avril 1999 pour accélérer le processus d'adhésion de la Bulgarie à l'UE.

Touteleurope.fr : Comment les nouveaux Etats membres entrés en 2004 et 2007 se sont ils adapté à la Politique agricole commune ?

Magardich Hulian : Le dernier élargissement a mis l’UE face à de nouveaux défis, y compris dans le domaine de la PAC. Devant la perspective du plus grand élargissement de son histoire, l’UE a du repenser la PAC afin d’aider les nouveaux pays membres à surmonter les défis qui allaient se poser aux fermiers et aux populations des zones rurales. Les réformes entamées en 2003 et en 2008 devaient faire de la PAC une politique plus moderne et plus orientée vers le marché.

Par rapport à la PAC de l'Europe des 15, sur laquelle la Bulgarie n'a pas eu son mot à dire, la plupart des anciennes mesures concernant les subventions à la production, les quotas laitiers, les mesures de protection, l’interdiction de la plantation des vignes ont été sérieusement révisées et, avec les dernières réformes, ont optimisé l’absorption des aides financés par la PAC. Les mesures de soutien permettent désormais de se concentrer davantage sur la qualité des produits ainsi que sur la préservation de l’environnement.

L’augmentation de l’aide pour le développement rural, elle, permet de stabiliser les zones plus fragiles du point de vue économique et social, et leur donne la possibilité de se développer dans la direction voulue par la communauté locale.

Ainsi, les dernières réformes ont été menées dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire.

Il est nécessaire de décider comment et sur quels principes les paiements directs seront octroyés. La même question se pose pour les aides aux activités agro-environnementales, domaine dans lequel il est également important de simplifier les procédures de paiement. Il faut aussi augmenter les aides aux zones rurales par rapport aux paiements directs. Enfin, il faut encourager la production de produits biologiques et d’énergie renouvelable.

TLE : Aujourd’hui, quel bilan peut-on faire de la PAC dans les pays de l’Est ? Va-t-on vers une PAC plus harmonisée ?

M. H. : Malheureusement, la PAC en Bulgarie s'est avérée défavorable aux producteurs et aux populations qui vivent dans les zones rurales. Pendant la période de préadhésion, la campagne de communication et d’information n’a pas ciblé le bon public, et la PAC a été mal comprise.

On n’a pas convenablement expliqué à la population ce qui l’attendait réellement pendant les années à venir. Une grande partie voyait dans l’adhésion à l’UE un changement réel et de vrais profits. Malheureusement, les petits et moyens producteurs sont restés insatisfaits : il s’est avéré qu’ils ne répondaient pas aux exigences de base pour bénéficier des fonds européens. Ainsi il y a eu une période transitoire pendant laquelle une grande partie des fermiers ont perdu l’espoir d’un changement, les principaux bénéficiaires des aides européennes étant les métayers et les propriétaires de plus de 5000 hectares.

A la différence des autres pays de l’ex-bloc communiste, la réforme du secteur agricole en Bulgarie n’a pas été menée dans le bon sens. Ainsi, par exemple, déjà au moment de l’adhésion on savait que les producteurs de lait devraient faire d’importants investissements pour répondre aux normes européennes. Mais les dirigeants politiques ont préféré les reporter à plusieurs reprises, par crainte des protestations et de l’électorat mais aussi pour éviter la faillite en masse des laiteries. La même question s’est posée avec les subventions pour les producteurs de tabac.

Bien sûr, ici en Bulgarie on estime que les subventions agricoles devraient être maintenues, mais seulement après un important débat et une réforme des règles de répartition. Celle-ci doit aller dans le sens d’une simplification des règles : dans la situation actuelle les petits et moyens producteurs sont dépendants des cabinets de conseil et d’experts dont les services sont le plus souvent trop chers pour les petits fermiers.

TLE : Quelle est la position de la Bulgarie sur la réforme de la PAC après 2013 ? Celle-ci rejoint-elle celles des autres nouveaux membres ?

M.H. : De manière générale, la plupart des nouveaux pays membres se sont réunis autour d’une même position, qui est d’égaliser le niveau des paiements directs entre nouveaux et anciens pays membres.

L’inégalité actuelle crée le sentiment chez les nouveaux pays membres de l’existence de doubles standards. L’égalisation des prix mettra les 12 nouveaux pays membres dans la même situation que leurs homologues et stimulera ainsi la production agricole dans des bonnes conditions de concurrence. De plus, les ressources limitées des PECO les empêchent d’effectuer des paiements compensatoires pour essayer d’assouplir les différences dans les niveaux d’aide.

L’Institut Européen estime que la nouvelle stratégie Europe 2020 doit obligatoirement être liée à la PAC, pour garantir le développement des zones rurales et des fermiers qui y travaillent. Une grande partie de la population bulgare habite dans ces zones, et des efforts importants sont nécessaires pour leur développement et leur préservation.

Cela ne signifie pas qu’il faut négliger la préservation de l’environnement : au contraire, il faut lui consacrer une attention particulière parce qu’elle est un des éléments clé qui déterminent la qualité de vie sur le vieux continent. Les efforts des nouveaux pays membres doivent prendre cette direction : au cours des dernières années on s’est plutôt concentré sur les facteurs liés à la productivité et à la modernisation des technologies, au détriment de la préservation et la reproduction des ressources naturelles.

De plus, des mesures de marché plus souples pour la gestion du risque et la réaction aux situations de crise sont nécessaires pour qu’il y ait plus de solidarité dans la résolution des problèmes ainsi qu’un mécanisme qui fonctionne de façon rapide. Bref, tous les pays membres sont pour une simplification de la législation et des procédures administratives afin qu’elles soient plus compréhensibles. Cela contribuera surtout à l’absorption plus rapide des aides et à une plus grande compétitivité agricole.

TLE : Quel poids ont les nouveaux Etats membres dans les négociations sur la PAC par rapport à la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ?

M.H. : Lorsqu’on parle des nouveaux pays membres il faut tenir compte du fait que chacun d’eux a ses propres spécificités et des potentiels de productivité agricole différents. Le poids de chaque pays membre dans les négociations dépend de la motivation et de la volonté de ses élites politiques et économiques de mener une politique agricole claire et responsable.

Malheureusement, la Bulgarie a perdu beaucoup trop de temps à chercher la bonne direction, et aujourd’hui encore (21 ans après la chute du Mur), les élites politiques ne savent pas définir les priorités du secteur agricole et encore moins les formuler et les défendre au niveau national et européen. Cela influe sur la possibilité de défendre des causes et des intérêts nationaux, et encore plus sur la possibilité de formuler des causes et des politiques européennes communes qui soutiendraient une PAC réformée.

Un autre facteur important qui joue un rôle clé dans la formulation de la politique agricole nationale et européenne est le manque de puissance des organisations interprofessionnelles et des communautés locales. Malheureusement, en Bulgarie ces organisations sont quasiment absentes, en raison d'un régime démocratique encore trop jeune et de l’incapacité de la communauté des agriculteurs à s’organiser pour mieux défendre leurs intérêts.

Ainsi, les hommes politiques bulgares ont des possibilités très limitées de mener une politique agricole adéquate qui défende les intérêts de chaque producteur, ce qui détermine la position passive de la Bulgarie dans les négociations. Il est temps qu’elle le réalise et essaie d’être plus active, d’être un pays qui fasse des propositions pertinentes dans ce secteur fondateur de l’UE.



 
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