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18-04-2006

LE RAPPORT DU DEPUTE JEROME LAMBERT CONSTATE DES PROBLEMES AVEC LES CRITERES POLITIQUES EN BULGARIE

* Des difficultés reconnues à respecter les critères politiques de l'adhésion...

* La minorité macédonienne tente également de s'organiser, mais s'est heurtée à une décision de la Cour constitutionnelle bulgare, qui - en 2000 - avait estimé que...

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE POUR L'UNION EUROPÉENNE, sur le suivi de l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, ET PRÉSENTÉ par M. Jérome LAMBERT, Député.

Le rapporteur remercie M. Yves Saint-Geours, ambassadeur de France à Sofia, ainsi que tous les membres de l'ambassade de France, pour leur concours actif dans l'organisation et le bon déroulement de son déplacement en Bulgarie.

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 avril 2006
Rapport N° 3018

Mesdames, Messieurs,

Après avoir présenté sa demande d'adhésion à l'Union européenne en 1995, la Bulgarie a clôturé les négociations en décembre 2004 et le traité d'adhésion a été signé en avril 2005.

L'intégration de la Bulgarie dans l'Union européenne le 1er janvier 2007 n'est donc plus conditionnée désormais qu'à deux facteurs : la ratification du traité d'adhésion par chacun des vingt-cinq Etats membres, d'une part, la décision de la Commission et du Conseil de ne pas mettre enœuvre la clause dite de « sauvegarde générale » pouvant entraîner le report d'une année de l'adhésion, d'autre part.

En France, le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie (et de la Roumanie) n'est pas encore déposé devant le Parlement, mais la phase administrative de la procédure a déjà débuté, par la saisine du Conseil d'Etat. Par ailleurs, la Commission européenne devrait publier le 16 mai prochain un nouveau rapport global de suivi et devrait faire part, à cette occasion, de son intention d'activer - ou non - la clause de sauvegarde générale.

A l'approche de ces diverses échéances, il a semblé opportun à la Délégation de réaliser un nouveau bilan du processus d'adhésion de la Bulgarie. Le rapporteur s'est donc rendu dans les deux principales villes de Bulgarie - Sofia et Plovdiv - durant trois jours, entre le 22 et le 24 novembre 2005.

Le présent rapport fait suite à deux précédents rapports intermédiaires de la Délégation : l'un déposé par M. François Loncle en novembre 2001 (n° 3417), l'autre présenté en mars 2004 par le rapporteur (n° 1479).

Le rapport de 2004 mettait en avant les progrès réalisés par la Bulgarie et son fort volontarisme européen. A cette époque, la Bulgarie apparaissait comme un pays candidat exemplaire, accomplissant des efforts bien supérieurs à ceux réalisés par la Roumanie. Cependant, le dernier rapport de suivi de la Commission, publié le 25 octobre 2005(1), dresse un bilan de la situation plus sévère à l'encontre des autorités bulgares que de leurs voisins roumains.

Compte tenu des éléments qu'il a pu recueillir sur la Bulgarie, le rapporteur se veut à la fois lucide et rassurant.

Lucide, parce que sa mission dans ce pays lui a permis de constater qu'il subsiste des difficultés, notamment en matière de respect des critères politiques de l'adhésion.

Rassurant, car l'adhésion de la Bulgarie ne doit pas être l'occasion de relancer un débat plus global sur l'élargissement qui aurait pu avoir lieu en 2004.

I. UN ETAT DES LIEUX EN DEMI-TEINTE

Le dernier rapport de suivi de la Commission européenne, qui reflète la situation au 30 septembre 2005, note que la Bulgarie continue de satisfaire aux critères politiques de l'adhésion, qu'elle est une économie de marché qui fonctionne et qu'elle a atteint un « très haut niveau » d'alignement sur l'acquis. Ces constatations ont permis à M. Daniel Valtchev, vice-premier ministre, ministre de l'éducation et de la science, d'affirmer au rapporteur que la Bulgarie avait atteint un niveau de préparation à l'adhésion au moins équivalent à celui enregistré par les dix derniers Etats membres quelques mois avant leur entrée dans l'Union européenne.

Pourtant, la tonalité générale de ce rapport de la Commission est plutôt critique. De la même façon, la résolution adoptée le 15 décembre 2005 par le Parlement européen, sur le rapport du député britannique M. Geoffrey Van Orden, insiste sur la nécessité de poursuivre les réformes.

Selon M. Dimitris Kourkoulas, chef de la délégation de la Commission européenne à Sofia, les autorités bulgares ont perdu une partie de leur détermination après la clôture des négociations d'adhésion en décembre 2004 et ce phénomène a été accentué par la période électorale ayant précédé les élections législatives de juin 2005.

Même s'il a pu être avancé que les responsables politiques bulgares escomptaient un rapport relativement sévère pour pouvoir l'utiliser sur le plan interne afin d'adopter des changements législatifs ambitieux(2), il n'en demeure pas moins qu'à quelques mois de la date fixée pour l'adhésion, des interrogations subsistent sur la mise en œuvre de la législation relative aux critères politiques. Sur le plan économique, la capacité du secteur agricole à résister au choc de l'ouverture des marchés suscite également de fortes interrogations.

A. Des difficultés reconnues à respecter les critères politiques de l'adhésion

Le Conseil européen de Copenhague de juin 1993 a défini les critères politiques que doivent satisfaire les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne. Ils doivent ainsi être parvenus à une stabilité des institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, ainsi que le respect des minorités et leur protection.

Or, si globalement la Bulgarie a atteint « un niveau satisfaisant » de conformité aux exigences de l'Union européenne, la Commission juge toujours « très préoccupants » les problèmes liés au domaine de la justice et des affaires intérieures. Cela vise aussi bien la réforme du système judiciaire, la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, que l'intégration de la minorité Rom.

1) Un système judiciaire en voie de réforme

Les autorités communautaires reconnaissent que le cadre juridique a subi d'importants changements mais elle déplore l'absence d'évolution dans la structure du système judiciaire. Elles critiquent, en particulier, la complexité de la phase d'instruction où les compétences des juges d'instruction et des enquêteurs de police ont tendance à se chevaucher.

Le recrutement par concours des juges et des procureurs se heurte aussi à de fortes résistances. Une réforme votée en novembre 2003 avait introduit la procédure du concours mais, dès avril 2004, un amendement législatif rétablissait le choix par cooptation. Une décision intervenue en avril 2005 a bien tenté de réduire les nominations hors concours aux seuls cas où aucun candidat n'aurait été trouvé après publication du poste vacant et sous réserve qu'une attestation motivée et détaillée des qualités du candidat soit publiée par le président de l'instance judiciaire concernée, mais le nombre de nominations par cooptation n'a pas faibli.

De tels mécanismes conduisent à mettre en cause la probité et les compétences de certains magistrats. A cet égard, on ne peut que s'interroger lorsque l'on lit dans un reportage publié par le journal « Le Monde » en date du 14 décembre 2005 que le chef procureur de Sofia a réparti la liste des procureurs relevant de son autorité sur deux colonnes : celle des hommes sûrs et honnêtes et celle des magistrats auxquels il ne peut confier que des dossiers où le risque de corruption est faible. On peut ajouter que, selon les experts communautaires ayant étudié le système judiciaire bulgare à l'automne 2005, aucun juge ou procureur défaillant n'a été traduit en justice depuis six ans.

Comme le souligne notre collègue sénateur, M. Aymeri de Montesquiou, dans une communication présentée le 16 novembre 2005 devant la Délégation du Sénat pour l'Union européenne(3), « les réformes relatives à la justice et à la police heurtent en Bulgarie des réseaux de pouvoirs occultes qui n'accepteront que difficilement la mise en place de nouveaux instruments de lutte contre la grande criminalité organisée ».

L'inertie du système judiciaire s'explique aussi, en grande partie, par le statut constitutionnel du pouvoir judiciaire, complètement indépendant de l'exécutif et du législatif, en raison d'un « enthousiasme démocratique un peu utopique » à la suite de la chute du mur de Berlin(4). M. Daniel Valtchev, vice-Premier ministre, ministre de l'éducation et de la science, a indiqué que, selon lui, le problème principal résidait dans l'indépendance totale du procureur général, nommé pour sept ans par le Président de la République sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature, et qui a la faculté de se saisir de tous les dossiers en instance dans le pays. Dans un tel cas de figure, la fonction est évidemment à l'image de l'homme qui l'exerce.

Deux évolutions intervenues après la mission du rapporteur méritent toutefois d'être soulignées. D'une part, un nouveau procureur général vient d'être nommé. Il s'agit de M. Boris Veltchev, juriste confirmé, dont la désignation est perçue comme constituant un signal positif. D'autre part, la réforme constitutionnelle préalable à l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale a enfin pu aboutir et ce code devrait être applicable à compter du 26 avril 2006.

2) Une criminalité organisée toujours active

« Les niveaux très élevés de criminalité organisée en Bulgarie suscitent les plus vives inquiétudes, d'autant qu'ils n'ont jamais fait figure de priorité pour le gouvernement ». L'appréciation portée par la Commission européenne a le mérite de la franchise.

En raison du délabrement des structures étatiques lors de la phase de transition démocratique, des activités criminelles ont pu se développer, entretenant la création de réseaux aux ramifications nombreuses à tous les niveaux de la société.

Il a été établi que les activités de ces réseaux concernent principalement le trafic de stupéfiants, la traite des êtres humains et le trafic de clandestins, ainsi que la fausse monnaie et les fausses cartes bancaires.

La justice bulgare ne donne pas toujours l'impression de fournir tous les efforts nécessaires pour lutter contre cette criminalité. Les experts de la seconde « peer-review » de l'Union européenne ont ainsi rapporté l'anecdote suivante : un membre de la mafia bulgare ayant été arrêté avec 650 kg d'amphétamines dans son véhicule a été libéré par le juge de première instance qui a estimé qu'il s'agissait de produits destinés à la recherche scientifique ...

Par ailleurs, ces criminels vont jusqu'à régler ordinairement leurs différends sur la voie publique. Au cours des cinq dernières années, ce sont environ 125 personnes qui ont été assassinées par des tueurs à gage, à coups d'explosifs, de mitraillages ou de fusils à longue portée. La totalité, ou presque, de ces faits se sont déroulés à Sofia ou sur le littoral de la Mer Noire. Les enquêtes policières se sont toutes enlisées et aucune condamnation contre un exécutant ou un commanditaire de ces activités criminelles n'a jamais été prononcée.

En visite à Bulgarie fin janvier 2006, le commissaire européen, Franco Frattini, en charge de la justice et de la sécurité, a exigé une politique de « tolérance zéro » à l'égard du crime organisé. L'Union européenne rappelle, en particulier, qu'elle pourrait bloquer les crédits des fonds structurels destinés à la Bulgarie s'il apparaissait que ces crédits sont détournés de leur objet. Une telle menace si elle devait être mise en oeuvre pénaliserait fortement le développement de la Bulgarie et doit contraindre les gouvernants bulgares à réagir.

Ces gouvernants ont d'ailleurs déjà prouvé qu'ils étaient capables de coopérer efficacement dans la lutte internationale contre le crime organisé et la Commission observe que « la Bulgarie a entretenu des relations intenses et fructueuses avec les Etats membres » en ce domaine. En ce qui concerne la France, cette coopération a notamment permis de démanteler des réseaux de fausse monnaie et de fausses cartes bancaires.

Des efforts sensibles doivent être accomplis en matière de surveillance des frontières, d'autant que la Bulgarie sera en charge de la gestion de futures frontières extérieures de l'Union concernant la Turquie, la Serbie-et-Monténégro, ainsi que l'ex-République yougoslave de Macédoine. Un mission d'experts européens a récemment souligné le manque de personnels, d'équipements et le déficit de formation professionnelle. Elle a surtout constaté des lacunes dans le contrôle des frontières maritimes, en particulier dans les ports de Bourgas et de Nessebar sur la Mer Noire.

3) Une corruption encore présente

La Bulgarie s'est dotée d'une stratégie nationale de lutte contre la corruption, qui a été modifiée en février 2005 pour y inclure des mesures spécifiques à la lutte contre la corruption de haut niveau.

Toutefois, le bilan dressé à l'automne dernier par un expert britannique à l'occasion de la deuxième « peer-review » communautaire est extrêmement sévère. Selon lui, « tous les objectifs contenus dans la stratégie ont échoué ; le seul élément positif semble être une amélioration dans le financement plus transparent des partis politiques ».

Dans son rapport, il cite quatre secteurs où la situation paraît particulièrement préoccupante :

- le système de santé, où la corruption apparaît comme un mal endémique, mais où aucune surveillance n'est exercée ;

- l'éducation, où la grande autonomie des universités, ainsi que la modicité des salaires, semblent favoriser l'obtention de diplômes contre paiement. Ce problème a été confirmé au rapporteur par M. Daniel Valtchev, vice-Premier ministre, ministre de l'éducation et de la science. Il a ainsi indiqué, par exemple, que son homologue grec lui avait signalé plusieurs cas d'étudiants grecs ayant obtenu le diplôme de docteur en médecine en Bulgarie, alors qu'ils n'avaient séjourné que quatre semaines dans ce pays ou qu'ils ne parlaient pas un mot de bulgare... ;

- l'administration locale, où les connivences entre magistrats, autorités de police et notabilité empêchent toute enquête ;

- la sphère politique, où l'immunité semble être totale, à la différence de ce que l'on constate depuis quelques mois en Roumanie.

Dans son rapport de suivi, la Commission européenne souligne d'ailleurs que, si les cas de « petite corruption » ont pu être limités, le problème principal reste la corruption de haut niveau et celle à caractère politique.

Pour autant, on doit observer que dans le classement établi par l'organisation non gouvernementale Transparency International, réalisé à partir d'un indice de perception du degré de corruption vu par les hommes d'affaires et des experts, la Bulgarie occupe un meilleur rang que la Roumanie, mais aussi que la Pologne. Avec un indice de 4 - sur une échelle s'étendant de 0 (très corrompu) à 10 (probité élevée) - elle se classe même juste derrière la Lettonie, la Grèce ou la République tchèque.

4) Des difficultés dans l'intégration des Roms

Pour le visiteur étranger, l'une des choses les plus surprenantes lorsqu'il séjourne en Bulgarie est la spontanéité avec laquelle ses interlocuteurs lui font part de leurs opinions négatives sur les Roms.

Ce pays comporte plusieurs minorités nationales. Les plus nombreux, les turcophones (environ 10 % de la population), bénéficient d'une représentation politique avec le Mouvement des droits et libertés (MDL), qui constitue l'un des trois partis de la coalition gouvernementale. La minorité macédonienne tente également de s'organiser, mais s'est heurtée à une décision de la Cour constitutionnelle bulgare, qui - en 2000 - avait estimé que le parti UMO Ilinden-Pirin mettait en péril la sécurité nationale. Cependant, dans deux arrêts du 25 octobre 2005, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que la Cour constitutionnelle bulgare avait, à cette occasion, violé l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit la liberté de réunion et d'association. D'autres minorités sont également présentes dans le pays, tels les Pomaks, minorité bulgarophone de confession islamique.

La communauté Rom est sans aucun doute celle qui rencontre le plus de difficultés à s'intégrer. Estimée à environ 400 000  personnes par le recensement de 2001, elle pourrait comporter en réalité près de 700 000 membres, soit 10 % de la population totale, et sa vitalité démographique devrait encore accroître son importance dans les prochaines années.

Les autorités bulgares ont élaboré, à la demande de l'Union européenne, un programme-cadre pour l'intégration égale des Roms, mais la Commission européenne considère qu'il se trouve encore à un « stade embryonnaire » et qu'il souffre d'un manque de coordination et de financements. Un plan d'action, dénommé « Décennie de l'intégration des Roms 2005-2010 » vient aussi d'être adopté, afin d'améliorer l'éducation, la santé et le logement de cette communauté.

Ces diverses mesures se heurtent à l'hostilité d'une large partie de la population bulgare, qui perçoit les Roms au mieux comme une population de profiteurs et au pire comme un groupe criminel. Dans ces conditions, le représentant de l'organisation non gouvernementale « Comité Helsinki », rencontré par le rapporteur, juge que les actions mises en œuvre par le gouvernement ne constituent que de la « poudre aux yeux » destinée à satisfaire les demandes pressantes de l'Union européenne.

* * *

Le bilan, sur le respect des critères politiques de l'adhésion par la Bulgarie, qui avait été établi par la Commission, et qui a pu être vérifié par votre rapporteur, pourrait apparaître très critique. C'est néanmoins la nature même de ce type d'exercice que de faire ressortir les éléments négatifs, en oubliant quelque peu les progrès réalisés, qui sont pourtant réels.

Ces derniers mois, de nouvelles avancées ont été réalisées. On a déjà évoqué la réforme constitutionnelle ouvrant la voie à l'entrée en vigueur d'un nouveau code de procédure pénale, ainsi que la nomination d'un nouveau procureur général. On doit également signaler le changement de plusieurs responsables au sein du ministère de l'intérieur, ou encore la coopération engagée par le ministère de la santé avec le « Comité Helsinki » pour élaborer une nouvelle loi sur les hôpitaux psychiatriques.

Le rapporteur tient d'ailleurs à souligner qu'il a constaté que les responsables bulgares parlaient librement, avec une grande clairvoyance, des obstacles rencontrés et qu'ils affirmaient vouloir agir de façon constructive.

Mme Meglena Kouneva, ministre des affaires européennes, a ainsi précisé que la Bulgarie saurait faire preuve de persévérance pour accomplir pas à pas le chemin lui restant à parcourir. Elle a aussi ajouté que son pays était disposé à accueillir des observateurs français dans tous les domaines qui pourraient nous sembler sensibles.

B. Une économie en voie de modernisation qui devra subir le choc de l'adhésion

Depuis 2000, la croissance annuelle du PIB a constamment été supérieure à 4 %. Elle a même atteint un niveau de 6 % en 2005. L'inflation est maîtrisée (4 % en 2005) et si le chômage demeure élevé (10 % de la population active), il est en recul de 8 points par rapport à la situation constatée en 2000.

Ce redressement économique, après la très grave crise de 1996-1997, est soutenu par les investissements étrangers, qui ont franchi en 2004 le seuil des deux milliards d'euros, notamment grâce à un programme de privatisation. Il bénéficie également des crédits communautaires accordés au titre des fonds de préadhésion (Phare, Sapard, Ispa), dont le montant devrait s'élever à 545 millions d'euros pour l'année 2006.

La Bulgarie est devenue au cours des dernières années l'un des sous-traitants privilégiés de l'Europe, comme l'illustre la progression en 2004 des exportations de produits textiles et de chaussures (+ 6,4 %), de meubles (+ 14 %) et de produits métallurgiques (+ 49 %). Le rapporteur a ainsi eu l'occasion de visiter une usine d'un important groupe européen implantée à proximité de Plovdiv, fabricant des composants électriques.

Ce modèle de développement, qui s'appuie sur les faibles coûts de la main-d'œuvre locale, comporte l'inconvénient de privilégier des secteurs à faible valeur ajoutée et à forte exposition à la concurrence des pays asiatiques.

La Bulgarie souhaite donc favoriser d'autres domaines d'activité, en particulier en matière de développement de logiciels, les informaticiens locaux étant de très haut niveau. Le tourisme représente un autre secteur appelé à occuper un rôle central dans le positionnement international de l'économie bulgare, grâce aux atouts de ce pays (littoral de la Mer Noire, stations de sports d'hiver, sites culturels). Il conviendra néanmoins de veiller à maîtriser le développement immobilier anarchique sur la côte de la Mer Noire et à proximité des sites classés au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. M. Stefan Danailov, ministre de la culture, s'est dit très conscient de ces difficultés.

La perspective de l'adhésion à l'Union européenne est perçue comme une formidable opportunité d'augmenter le niveau de vie dans un pays où le PIB par habitant, mesuré en termes de pouvoir d'achat, n'atteint que 30,8 % de la moyenne de l'Union européenne (même s'il faut tenir compte de l'économie souterraine, qui pourrait représenter 30 % du PIB officiel). Il faut noter que le montant des fonds destinés à la Bulgarie est de 11,113 milliards d'euros pour la période 2007-2013(5).

Néanmoins, il est probable que l'adhésion représentera une épreuve pour le secteur agricole. A un moindre degré, les exigences liées à l'adhésion auront aussi des répercussions en matière énergétique.

1) Une agriculture parcellisée et peu productive

En circulant sur l'axe routier reliant Sofia à Plovdiv - seule autoroute du pays -, le rapporteur a pu constater que les terres traversées semblaient pour la plupart à l'abandon, alors qu'elles sont réputées pour leur fertilité. Ce constat illustre la situation actuelle de l'agriculture bulgare.

Dans un pays de vieille tradition agricole, l'effondrement du système communiste a entraîné la restitution des terres aux anciens propriétaires, ce qui a provoqué une fragmentation considérable des exploitations. Au dernier recensement de 2003, il apparaît que 75 % des exploitations ont une superficie ne dépassant pas 1 hectare. Seules 3 900 exploitations, sur un total de 655 000 (des coopératives, en particulier), ont une surface agricole utile (SAU) dépassant les 100 hectares, ce qui leur permet de cultiver 76 % de la SAU du pays.

La parcellisation agricole est manifeste dans le secteur de l'élevage, en particulier : la moitié de la production de lait provient d'exploitations élevant moins de trois vaches ; 83 % des élevages de porcs regroupent deux animaux tout au plus.

Il y a donc lieu de craindre que l'ouverture des marchés liée à l'adhésion produise un véritable choc dans l'agriculture bulgare, qui emploie 23 % de la population active. Il faut ajouter que 70 % des entreprises agroalimentaires devraient théoriquement fermer leurs portes car elles ne respectent pas les standards européens. Les zones rurales, qui incluent de nombreuses zones de montagne, risquent de se retrouver davantage marginalisées, ce qui soulèvera de sérieux problèmes sociaux.

M. Dimitar Peitchev, vice-ministre de l'agriculture et des forêts, chargé de l'intégration européenne, a reconnu qu'une partie des exploitations cessera probablement ses activités après l'adhésion, compte tenu de l'impossibilité pour elles d'investir dans la mise en conformité de la production avec les normes européennes. D'autres exploitations se contenteront de maintenir une agriculture de subsistance. Celles qui voudront affronter le marché concurrentiel seront tenues d'augmenter leurs tailles et de diversifier leurs activités.

De telles évolutions ne seront pas faciles à mettre en œuvre. D'abord, parce que les gérants d'exploitations sont généralement âgés (40 % d'entre eux ont plus de 65 ans et seulement 16 % ont moins de 45 ans). Ensuite, car le regroupement des terres non exploitées se heurte à une résistance émotionnelle chez nombre de propriétaires qui ont été privés de leurs terres durant cinquante ans et qui refusent de s'en séparer, même s'ils ne sont pas en mesure de les exploiter.

Toutefois, les autorités bulgares s'efforcent de préparer la transition.

Le cadastre des terrains agricoles est en cours de réalisation. Ce travail est indispensable au succès d'une politique de remembrement. Il s'agit aussi d'un préalable pour le bon fonctionnement de l'Agence de paiement des aides liées à la politique agricole commune et pour la mise en place du système intégré de contrôle et de gestion (SIGC) de ces mêmes aides.

Par ailleurs, il est envisagé d'introduire un impôt sur la propriété foncière, ainsi qu'une taxe sur les terres non exploitées, afin de hâter le regroupement des terres et leur exploitation.

La Bulgarie compte aussi beaucoup sur le rôle positif des financements communautaires (1,56 milliard d'euros sont prévus en faveur du secteur agricole pour la période 2007-2009). Elle espère, en particulier, que ces fonds permettront aux agriculteurs de s'équiper en matériels adaptés, ce qui devrait contribuer à diminuer la surface des terres non exploitées.

Le pays cherche enfin à développer des productions pour lesquelles il possède des avantages comparatifs, comme par exemple les fruits rouges ou les champignons. L'agriculture biologique constitue une autre priorité, puisque 80 à 85 % des terrains sont aptes à accueillir une telle production, du fait du faible niveau d'utilisation d'engrais par le passé. La Bulgarie s'intéresse également à la production de biocarburants et le vice-ministre Dimitar Peitchev a d'ailleurs indiqué au rapporteur que si des investisseurs français étaient intéressés par une collaboration dans ce domaine, ils bénéficieraient d'un traitement privilégié.

2) La remise en cause du rôle de centre énergétique des Balkans

Depuis la période communiste, les responsables bulgares ont fait de l'énergie nucléaire l'un des piliers du développement économique national. La centrale de Kozloduy assure ainsi plus de 40 % de la production nationale d'électricité et près de 65 % des exportations d'électricité de la région.

Or, pour satisfaire aux exigences de sécurité de l'Union européenne, les réacteurs 1 et 2 de cette centrale - qui en totalisait six - ont été fermés en 2002 et la Bulgarie s'est engagée à fermer les réacteurs 3 et 4 avant la fin de l'année 2006.

Ces mesures ont suscité d'importants débats dans le pays, d'autant que la sécurité des réacteurs 3 et 4 semble conforme aux exigences européennes, si l'on se réfère à une mission d'experts indépendants effectuée en 2003.

Les autorités bulgares ont confirmé leur intention de respecter les engagements pris, qui ont donné lieu à d'âpres discussions sur le montant des compensations.

Mme Nina Radeva, vice-ministre de l'économie et de l'énergie, a cependant indiqué au rapporteur que l'ambition de la Bulgarie était de conserver son rôle central dans le marché de l'énergie des Balkans.

Pour ce faire, un important programme de modernisation des deux derniers réacteurs de Kozloduy est en cours. Le gouvernement a en outre décidé de reprendre, sur des bases entièrement nouvelles, la construction abandonnée depuis quinze ans de la deuxième centrale nucléaire du pays à Belene. La mise en service de deux réacteurs est ainsi envisagée pour 2011. Le projet n'est encore que dans la phase de sélection des opérateurs (des entreprises françaises sont en compétition en support d'un projet essentiellement présenté par des sociétés russes). Dès lors, notre collègue sénateur, M. Aymery de Montesquiou, estime, dans sa communication du 16 novembre 2005, que « le respect du calendrier est aléatoire et la question de la dépendance énergétique de toute la région des Balkans reste ainsi posée ».

En tout état de cause, la Bulgarie poursuit activement le second volet de sa stratégie énergétique, visant à accueillir les principales routes de transit du gaz et du pétrole russes vers le sud-est de l'Europe. La compagnie Bulgargaz est ainsi associée au projet « Nabucco » destiné à acheminer le méthane provenant de la Mer Caspienne vers les pays d'Europe centrale et orientale. De même, la Bulgarie est partie prenante dans deux projets d'oléoducs, tendant à contourner par la route des Balkans le goulet du Bosphore.

II. RATIFIER RAPIDEMENT LE TRAITÉ D'ADHÉSION

Après la publication, attendue pour le 16 mai 2006, du nouveau rapport de suivi de la Commission européenne, le Parlement français devrait être rapidement saisi du projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la Bulgarie (et de la Roumanie).

Le débat qui s'engagera alors doit clairement être distingué de celui relatif aux limites de l'élargissement de l'Union européenne. Il importe aussi de souligner que ce débat doit être dissocié de la question touchant à la mise enœuvre de la clause de sauvegarde générale envisagée par le traité d'adhésion.

Cette ratification du traité est très attendue par la Bulgarie, où le rapporteur a noté une forte inquiétude portant sur un éventuel report de la date d'adhésion.

A. Ne pas se tromper de débat

1) Le débat sur l'opportunité de poursuivre l'élargissement de l'Union ne concerne pas la Bulgarie

Le dernier élargissement de mai 2004 s'est effectué dans « une apparente indifférence »(6).

En revanche, la décision d'ouvrir des négociations avec la Turquie, l'organisation de référendums sur le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, puis les résultats de ces référendums en France et aux Pays-Bas ont suscité de nouvelles interrogations sur les frontières de l'Europe, même si le rapporteur est convaincu que, comme lui, la majeure partie des opposants au projet de Constitution européenne ne se sont pas prononcés contre l'Europe, mais pour la mise enœuvre d'autres politiques européennes répondant aux nouvelles attentes et aux problèmes concrets des citoyens.

Dans une résolution adoptée le 16 mars 2006(7), le Parlement européen a même souhaité, pour la première fois, que l'on définisse les « frontières géographiques » de l'Union européenne et a mis en avant la notion de « capacité d'absorption » de l'Union.

Ces questionnements ne sont pas applicables à la Bulgarie, qui a l'évidence fait bien partie de l'espace géographique européen et pour laquelle des engagements en vue de son adhésion ont été pris.

Il faut d'ailleurs souligner que la résolution précitée du Parlement européen s'applique à un document de la Commission européenne ne mentionnant ni la Bulgarie, ni la Roumanie, mais visant d'éventuels élargissements futurs à la Croatie, la Turquie, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, le Kosovo et la Serbie-et-Monténégro.

De la même façon, on doit rappeler que, si la loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution française a introduit un nouvel article  88-5 disposant que « tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un Etat à l'Union européenne est soumis au référendum par le Président de la République », il a été expressément indiqué que cette procédure de ratification n'était pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004 (ce qui vise la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie).

Nul ne doute, en effet, que la Bulgarie fasse partie intégrante de l'Europe par sa géographie, son histoire et sa culture.

2) La mise en œuvre de la clause de sauvegarde générale ne peut être discutée à l'occasion de la ratification

L'article 39 de l'Acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne prévoit : « Si, sur la base du suivi continu des engagements pris par la Bulgarie et la Roumanie dans le cadre des négociations d'adhésion et notamment dans les rapports de suivi de la Commission, il apparaît clairement que l'état des préparatifs en vue de l'adoption et de la mise en œuvre de l'acquis en Bulgarie et en Roumanie est tel qu'il existe un risque sérieux que l'un de ces Etats ne soit manifestement pas prêt, d'ici la date d'adhésion du 1er janvier 2007, à satisfaire aux exigences de l'adhésion dans un certain nombre de domaines importants, le Conseil, statuant à l'unanimité sur la base d'une recommandation de la Commission, peut décider que la date d'adhésion prévue de l'Etat concerné est reportée d'un an, au 1er janvier 2008 »(8).

Cette clause - généralement qualifiée de « clause de sauvegarde générale » - autoriserait donc le report d'une année de l'adhésion.

Toutefois, une telle décision est totalement indépendante de la procédure de ratification du traité d'adhésion, comme l'illustre parfaitement le fait que quatorze Etats membres ont d'ores et déjà procédé à cette ratification(9).

Le texte même du traité est clair : la décision de mettre en œuvre la clause de sauvegarde générale n'appartient qu'au Conseil, sur proposition de la Commission. L'intervention des parlements nationaux n'est pas prévue, pas même celle du Parlement européen (cependant, à la suite d'un échange de lettres entre le Président du Parlement européen et le Président de la Commission, il a été décidé de consulter ce Parlement sur l'opportunité d'activer les clauses de sauvegarde figurant dans le traité d'adhésion).

Le rapporteur regrette donc que le gouvernement français ait manifestement souhaité attendre la publication du rapport du printemps 2006 de la Commission, assorti d'une éventuelle recommandation de report de l'adhésion, pour soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat le projet de loi de ratification.

Ce choix est critiquable à un double titre :

- d'une part, il conduit à placer la France parmi les derniers Etats membres à procéder à une ratification, ce qui a été mal perçu aussi bien en Bulgarie qu'en Roumanie - deux pays appartenant à l'Organisation de la francophonie et avec lesquels nous ambitionnons de renforcer nos liens ;

- d'autre part, il établit un lien artificiel entre la ratification et la clause de sauvegarde générale, alors qu'en réalité cette dernière ne peut être décidée par le Conseil que si les vingt-cinq Etats membres ont préalablement ratifié le traité.

Sur le fond, le report de l'adhésion du 1er janvier 2007 au 1er janvier 2008 apparaît, en outre, difficilement envisageable.

D'abord, parce que cela exigerait de réunir l'unanimité au sein du Conseil, ce qui semble hautement improbable.

Ensuite, car chacun a bien conscience qu'une telle décision ne pourrait qu'aggraver la crise que traverse actuellement l'Union européenne. Le sentiment de paralysie des mécanismes européens serait effectivement conforté.

L'impact négatif serait encore plus grave en Bulgarie, où la coalition tripartite issue des élections du 25 juin 2005 n'a pour principal lien commun que le travail à accomplir en perspective de l'adhésion. Un report pourrait provoquer une crise politique dans ce pays, qui organise des élections présidentielles en octobre 2006. Plus encore, Mme Meglena Kouneva, ministre des affaires européennes, a affirmé au rapporteur que la confirmation de l'adhésion au 1er janvier 2007 revêtait en Bulgarie une « importance de nature existentielle », puisque - selon elle - cela donnerait aux Bulgares confiance en eux, évitant de fournir à l'euroscepticisme un terrain favorable. Elle a d'ailleurs confirmé ces propos le 30 janvier 2006, à l'occasion du Conseil Relations extérieures, en déclarant qu'un report « rendrait la nation malade sur le plan psychologique ».

Enfin, on ne peut que s'interroger sur l'opportunité de l'activation d'une clause qui, en tout état de cause, ne pourrait reporter l'adhésion que d'une année au maximum. Au 1er janvier 2008, quels que soient les progrès enregistrés dans une Bulgarie qui n'aurait pas été considérée comme apte à adhérer dès le 1er janvier 2007, l'adhésion serait acquise. Il est pourtant évident que des problèmes jugés suffisamment sérieux pour justifier un report de l'adhésion seraient de nature structurelle et donc peu aisés à résoudre en quelques mois.

La clause de sauvegarde générale peut dès lors être perçue comme un instrument surdimensionné et inadapté, à la différence des clauses de sauvegarde sectorielles également prévues par le traité d'adhésion. Ces clauses sectorielles sont au nombre de trois : une clause de sauvegarde économique générale(10) ; une autre relative au marché intérieur(11) et une dernière concernant la justice et les affaires intérieures(12). Leur mise en œuvre, qui ne dépend que de la seule Commission européenne, sera décidée, le cas échéant, à l'occasion de la publication du rapport global de suivi attendu pour l'automne 2006. Si la décision de les activer est appuyée sur une motivation sérieuse, on peut supposer qu'elle sera comprise par tous, y compris par les Bulgares, pour qui ces clauses constitueraient une incitation à poursuivre les efforts entrepris - si cela s'avérait nécessaire - tout en sachant que ces derniers ont déjà fait l'objet d'une reconnaissance puisque l'adhésion serait acquise.

B. Rassurer la Bulgarie sur le soutien accordé par la France

La ratification du traité d'adhésion par la France, l'un des pays fondateurs de l'Union et l'un des piliers de la construction européenne, viendrait fort à propos, dans un pays où le rapporteur a constaté l'apparition d'une inquiétude nouvelle dans la population sur les conséquences de l'adhésion, ainsi qu'une volonté des autorités d'accroître leur collaboration avec notre pays.

1) Une inquiétude nouvelle perceptible dans la population

Le peuple Bulgare n'a pas l'habitude d'exprimer ouvertement son mécontentement. Aucune manifestation d'ampleur ne s'y est déroulée, même lorsque l'hyper-inflation pouvait entraîner un doublement des prix en l'espace d'une journée.

Face aux difficultés quotidiennes, la population a surtout réagi, dans les années 1990, par un tassement du taux de fécondité et par une forte émigration : la population du pays est passée, en quelques années, de 8,8 à 7,9 millions d'habitants. Actuellement on constate néanmoins le retour d'une partie de ces émigrants.

Sur le plan politique, les désillusions du post-communisme se traduisent par une hausse du taux d'abstention aux consultations électorales. La participation était de 90,8 % lors du premier scrutin libre de juin 1990 et de seulement 55,76 % en juin 2005 (ce scrutin était pourtant couplé avec l'organisation d'une loterie nationale...).

Toutefois, pendant longtemps, les Bulgares ont apporté un soutien massif à la candidature de leur pays à l'adhésion et tous les sondages montraient qu'ils étaient parmi les Européens les plus optimistes sur les conséquences de l'intégration.

A l'approche de l'échéance, des doutes se font jour et ont été exprimés devant le rapporteur.

Comme l'a noté Mme Meglena Kouneva, ministre des affaires européennes, « les pays fatigués sont enclins à être pessimistes. Or, depuis 1997, la Bulgarie est sans cesse évaluée sans encore vraiment percevoir les bénéfices tangibles de l'appartenance à l'Union. Dès lors, nous sommes assoiffés de bonnes nouvelles ».

Ce sentiment d'inquiétude n'est pas le propre de la classe politique bulgare. Le rapporteur a été particulièrement frappé d'en retrouver l'expression lors d'un entretien avec une trentaine d'étudiants francophones à l'université de Plovdiv. Ces derniers lui ont notamment fait part de leurs craintes de se voir relégués à des postes subalternes, sans perspectives de carrières, dans un pays où l'économie serait dominée par des multinationales étrangères, dirigées par des cadres expatriés. Si cette appréhension n'est pas forcément fondée - le rapporteur a pu faire valoir l'exemple de l'entreprise Schneider implantée depuis 1999 dans les environs de Plovdiv, à Peroushtitsa, qui aujourd'hui n'emploie que quatre Français sur un effectif total de 250 salariés, ces expatriés n'occupant d'ailleurs pas les principaux postes de direction , elle marque l'apparition d'un nouvel état d'esprit à l'égard de l'Union européenne.

De même, les responsables de l'un des deux grands syndicats bulgares Podkrepa, ont insisté sur les problèmes sociaux que l'adhésion risquait de créer, tout en précisant qu'ils soutenaient ce processus.

Un phénomène révélateur de ce climat de désenchantement est la poussée électorale du parti nationaliste Ataka, au discours xénophobe, antisémite et anti-occidental. Avec 8,16 % des suffrages aux dernières législatives, il dispose de 21 sièges au Parlement (sur un total de 240).

2) Une demande de soutien à la France

Dans un tel contexte, tout geste extérieur de soutien est le bienvenu.

Il a déjà été indiqué que la plupart des interlocuteurs rencontrés par le rapporteur ont souhaité que la France ratifie le traité d'adhésion au plus vite.

Pareillement, plusieurs responsables bulgares ont exprimé leur souhait d'une plus forte collaboration avec notre pays. Mme Meglena Koureva, ministre des affaires européennes, a affirmé que son pays était prêt à accueillir des spécialistes français sur des sujets importants où des retards sont encore constatés (sécurité maritime ou sécurité alimentaire, par exemple).

La coopération administrative et technique est déjà bien développée. S'agissant des jumelages dans le cadre du programme Phare, notre pays, avec 14 jumelages depuis 1998, arrive ainsi en seconde position derrière l'Allemagne. Des conseillers « pré adhésion » s'occupent notamment de la formation des inspecteurs du transport routier, de l'harmonisation du transport ferroviaire avec les normes européennes, de l'amélioration de la qualité des carburants ou encore de la transposition des directives fiscales. De plus, l'Institut français de Sofia et l'Alliance française pilotent un programme de formation au français des fonctionnaires bulgares, surtout ceux des collectivités territoriales. On peut aussi mentionner l'Institut de la francophonie pour l'administration et la gestion (IFAG), qui forme des gestionnaires du niveau du troisième cycle universitaire et que le rapporteur avait visité lors de sa précédente mission.

Cependant, notre présence pourrait sans doute être accrue, en particulier dans le domaine de la justice ou dans le secteur social. Notre administration ne semble pas toujours très intéressée par cette forme de coopération ou bien n'appréhende pas forcément correctement les demandes présentées par les autorités bulgares.

De la même façon, sur le plan économique, la France n'occupe que le treizième rang des investisseurs étrangers en Bulgarie(13) et est le sixième partenaire commercial de ce pays, bien que les exportations françaises à destination de la Bulgarie aient triplé entre 1996 et 2004.

Près de 80 sociétés françaises sont présentes sous forme de filiales ou de sociétés mixtes. Une chambre de commerce franco-bulgare vient d'être créée, mais dispose de peu de moyens.

On a déjà souligné que M. Dimitar Peitchev, vice-ministre de l'agriculture et des forêts, avait invité les investisseurs français à se manifester pour développer la filière des biocarburants. Le secteur agricole pourrait d'ailleurs être un vecteur privilégié de notre collaboration. Actuellement, la France participe (avec l'Allemagne) au jumelage sur la mise en œuvre de la politique agricole commune et elle a mis à la disposition du ministre bulgare de l'agriculture un expert, qui remplit le rôle de conseiller technique. D'autres potentialités de coopérations existent en matière d'industrie agro-alimentaire, de gestion des zones pastorales de montagne ou de viticulture (la Bulgarie, qui a une forte tradition viticole, ne parvient pas à atteindre les quotas d'exportation dont elle dispose auprès des pays de l'Union européenne).

Le renforcement de nos liens économiques, administratifs et culturels est indispensable car, dans une Europe à 27, les relations bilatérales sont appelées à jouer un rôle fondamental.

CONCLUSION

A quelques mois de la date prévue pour son adhésion, la Bulgarie a conscience qu'elle ne doit pas relâcher ses efforts, d'autant que durant cette courte période, plusieurs Etats membres (dont la France) auront à ratifier le traité d'adhésion et que les institutions communautaires auront à décider de la mise enœuvre éventuelle de la clause de sauvegarde générale ou des clauses de sauvegarde sectorielles prévues par ce même traité.

Les Bulgares savent aussi que, l'adhésion une fois acquise, de nombreux problèmes persisteront. Ce pays, qui sera le moins riche de l'Union européenne en termes de PIB par habitant, devra affronter la pression concurrentielle.

A côté de sa participation aux fonds structurels communautaires, notre pays se doit de soutenir la Bulgarie pour l'accompagner dans cette transition. Une ratification rapide du traité d'adhésion par le Parlement constituerait un encouragement apprécié.

Enfin, le rapporteur tient à rappeler que la France ne doit jamais manquer une occasion d'intervenir en faveur des cinq infirmières bulgares (et du médecin palestinien) emprisonnés en Libye depuis 1999 et condamnés à mort en mai 2004 sous l'accusation d'avoir délibérément contaminé des enfants avec le virus du sida. Ils sont actuellement en attente d'un nouveau procès.

* * * * * *

Annexe 2 : Liste des personnes entendues par le rapporteur

¬ 22 novembre 2005

- Les responsables de l'entreprise Schneider implantée à Piroushtitsa ;

- Entretiens à l'université avec une trentaine d'étudiants des filières universitaires francophones ;

- M. Sevdalin Bozhikov, magistrat, ancien vice-ministre de la justice ;

- M. Yordan Radev, directeur de la foire internationale de Plovdiv ;

- M. Bernard Rouhaud, délégué général de l'Alliance française à Plovdiv.

¬ 23 novembre 2005

- M. Daniel Valtchev, vice-Premier ministre, ministre de l'éducation et de la science ;

- M. Dimitris Kourkoulas, chef de la délégation de la Commission européenne ;

- Mme Meglena Kounéva, ministre des affaires européennes ;

- Mme Nina Radeva, vice-ministre de l'économie et de l'énergie ;

- M. Stefan Danailov, ministre de la culture ;

- MM. Konstantin Trenchev, président, et Vesselin Mitov, secrétaire international, du syndicat « Podkrepa » ;

- M. Krassimir Kanev de l'ONG « Comité Helsinki » ;

- M. Patrick Favre, président de la Chambre de commerce franco-bulgare ;

¬ 24 novembre 2005

- Les conseillers préadhésion ;

- M. Dimitar Peitchev, vice-ministre de l'agriculture et des forêts, chargé de l'intégration européenne ;

- M. Atanas Paparizov, président de la Commission de l'intégration européenne.

- Mmes Maria Anguelieva-Koleva et Fathme Iliaz, députées, membres de la Commission de l'intégration européenne.

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