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02-05-2010

Irina Bokova, Première dame de l'Unesco (Article par Touteleurope.fr)

Au siège de l’Unesco, le bureau de Mme Irina Bokova se trouve au bout de l’une des branches du célèbre bâtiment en forme d'étoile. Dans les couloirs cossus qui nous mènent à la Directrice générale, les pièces d’une impressionnante collection d’œuvres d'art moderne se succèdent. Ce n’est guère surprenant pour cette organisation qu’on qualifie de "conscience du monde".

Introduits dans son bureau quelques minutes après le passage du ministre libanais de la Culture, notre regard est saisi par l'immensité de l'horizon parisien qui se profile au travers des stores de son bureau. Vu les contraintes de son nouvel emploi, Mme Bukova n’a probablement guère le temps de contempler l’entrelacs étourdissant des toits en contrebas.

On dit souvent qu’à leur arrivée dans leurs nouvelles fonctions les ministres français changent de fond en comble la décoration de leur bureau, histoire de se débarrasser des toiles d'araignée et d’imprimer les lieux de leur marque dès le premier jour. Il semble qu’ici, les chaises quelque peu décolorées au bleu pâle des Nations Unies n'aient pas été changées depuis l’époque de son prédécesseur.

Et lorsque l'on regarde alentour, on se demande un instant si Mme Bukova a hérité d’autre chose que du mobilier d’une institution qui traîne une réputation d’inertie.

L'inertie est pourtant loin d’être le mot approprié en ce qui concerne la nouvelle Directrice générale. Élégante et glamour, même si elle paraît presque petite dans ce grand bureau perché au sixième étage, son charme d’ambassadrice est intact, et il brille en elle cette étincelle d'intelligence et de ténacité propre aux femmes qui ont réussi.
 
Une diplomate atypique de la "nouvelle" Europe

À l’aise en français comme en anglais, c’est avec une certaine lassitude qu’elle répond aux questions concernant sa jeunesse et son histoire familiale. Assurément, elle a dû maintes fois expliquer son passé au sein de l'élite communiste de Bulgarie.

"On dit parfois que j’ai soutenu le régime communiste. Ce n'est pas le cas. J'étais diplomate" explique-t-elle. Elle rappelle que "tout le monde était membre du parti communiste en Bulgarie et en Europe de l'Est durant cette période. On n’avait pas le choix. Ma famille était membre du parti communiste, mais mon père a aussi été membre de la résistance pendant la guerre. C’était un homme de convictions fortes".

Elle évoque volontiers ses racines communistes. Son père, rédacteur en chef du journal du Parti communiste, est entré en dissidence dans les années 1960 suite à un différend avec le dictateur au pouvoir à l'époque. Mis à la retraite d’office à l'âge de 50 ans, il a été évincé du parti pour ses opinions.

Elle parle avec passion de son respect pour son père. "Il m'a inculqué l'importance des convictions et de la réflexion pour ne pas prendre le discours officiel pour argent comptant. Lui le premier m'a montré comment avoir une approche ouverte sur le monde et sur la politique".

Dans les années 1970, premières années d’ouverture au monde de l’URSS, Irina Bokova a suivi la voie privilégiée des études au prestigieux Institut d’Etat des relations internationales de Moscou.

Elle se souvient très bien de la première visite en Russie d'un président américain, Richard Nixon, en 1973. C'était l’époque des premières expositions libres d'écrivains et d'artistes dans la ville, "la vie en Russie était alors plus ouverte qu’en Bulgarie" se remémore-t-elle.

Jeune étudiante, elle se mêle aux intellectuels et artistes de cette nouvelle Russie avant de revenir à Sofia pour intégrer le ministère bulgare des Affaires étrangères. "C’était le plus libéral de tous les ministères car, par sa nature même, il était ouvert sur le monde". Le mot "ouverture" revient souvent dans sa description de la période, tel un antidote à la main de fer des autorités communistes.

Au ministère des Affaires étrangères, elle travaillera sur les droits de l'homme, les droits des femmes et les affaires sociales, sujets qui demeureront au centre de sa carrière. Puis, pendant les années critiques de 1986 à 1990, elle sera membre du cabinet du Ministre des Affaires étrangères, qui sera l'un des principaux instigateurs du changement en Bulgarie.

"À partir du moment où la perestroïka s’est imposée, il est devenu évident que le système n'était plus viable. Les difficultés économiques ont également révélé la fragilité du régime". Elle lie toutefois l'effondrement du régime à des événements survenus en 1985-86. "La persécution de la minorité turque a bouleversé les choses. Soudainement, on a vu une campagne de persécution se développer. Elle a suscité un mouvement de résistance des intellectuels et de la société en général, ce qui a précipité la chute du régime en Bulgarie" explique-t-elle.

Membre du cabinet de Petar Mladenov, Mme Bokova appartenait au cercle de ses intimes et a assisté de près à la transformation de la société bulgare. "Nous avons échangé des idées avec lui. Je connais tous les détails des événements. Il était donc naturel que je sois associée aux changements de cette période". En outre, elle était bien placée pour jouer un rôle clé dans la société qui est née après la chute du communisme.

Elle deviendra par la suite membre de l'Assemblée nationale et présidente de la Délégation parlementaire bulgare au Conseil de l'Europe. Membre estimée du Parti socialiste, elle est promue vice-ministre des Affaires étrangères.

"J'ai travaillé dur pour que la Bulgarie soit admise au Conseil de l'Europe et c’est moi qui ai organisé le premier séminaire parlementaire sur la Déclaration européenne des droits de l'homme" rappelle-t-elle gravement.

Ses propos révèlent l'importance de ces questions à ses yeux. Ce qui semble aujourd’hui le cours normal des choses représentait à ce moment-là un énorme bouleversement institutionnel et intellectuel pour la société bulgare, en proie alors à la désoviétisation. Figurant parmi les premiers défenseurs de l'abolition de la peine de mort, elle est fière du rôle qu'elle a joué dans le renouveau de la nation bulgare et dans sa réintégration dans le concert européen.
 
Une campagne controversée pour une candidate consensuelle

Les atouts qui ont fait de Mme Bokova une diplomate à succès – promue ambassadeur en France – l'ont aidée pour le marathon mondial de l'élection à l'Unesco. Elle s’est investie dans la campagne, visitant 45 pays pour recueillir des soutiens pour sa candidature. Malgré les contacts noués au niveau européen lorsqu’elle était vice-ministre, elle faisait encore figure d’outsider pour le poste de Directeur général.

Et pourtant, le caractère novateur de sa candidature – femme et originaire d’Europe de l'Est – a constitué un avantage dans une course qui aurait pu tourner court. Farouk Hosni, ministre égyptien de la Culture et candidat favori, a été épinglé pour son appartenance à un régime qui cautionnait la censure.

Il a de plus été critiqué pour ses positions ostensiblement anti-israéliennes et antisémites. Ses déclarations devant le Parlement égyptien selon lesquelles il brûlerait lui-même les livres en hébreu qu’il trouverait dans les bibliothèques égyptiennes, sont revenues le hanter. Des intellectuels comme Bernard Henri Levy, Elie Wesel ou Claude Lanzmann ont fait campagne contre le candidat égyptien.

Les tractations en coulisses ont été intenses, même si Mme Bokova souhaite nous convaincre que son programme et son expérience ont fait la différence. "De nombreux pays qui ne s’étaient pas encore décidé m’ont donné leur soutien après avoir lu mon programme et avoir entendu mon audition devant le Conseil exécutif", souligne-t-elle.

Chaque candidat a en effet présenté un manifeste de 2 000 mots sur sa vision du poste afin de contrer les critiques qui qualifient ce processus électoral de routine diplomatique démodée faite de promesses et de compromis avec peu d'égard pour l’objet de l'enjeu.

"C’était comme si la campagne n'était pas importante et que des raisons géopolitiques prédominaient. Pour moi, chaque instant de la campagne était important. J'ai rédigé moi-même chaque mot de ma vision", explique-t-elle, soulignant ainsi le fait que ce n’était probablement pas le cas de ses adversaires.

Au terme d’un scrutin serré à cinq tours, digne d’une élection papale, Mme Bokova est apparue comme une candidate de compromis.

Interrogée sur cette période difficile, Mme Bokova répond avec une assurance désarmante. "Tout est fini et oublié depuis longtemps. L'Egypte s’est montrée magnanime et ne manifeste aucun signe d’insatisfaction ou de réticence à coopérer avec l'Unesco" dit-elle.

Malgré les circonstances amères de son élection, elle déclare avoir le plein appui du monde arabe, donnant pour preuve la liste des invitations officielles de nombreux pays arabes. "Nous travaillons ensemble. J'ai eu une discussion intéressante sur le dialogue entre cultures avec le Secrétaire général de l’Organisation islamique pour l’Éducation, les Sciences et la Culture. Nous avons plus de cent projets en commun. L'éducation des filles sera l'une de nos priorités communes".

Première femme à occuper le poste de Directeur général de l'Unesco, la pression est énorme. "Les défis sont les mêmes, mais les attentes beaucoup plus élevées", admet-elle. Fermement convaincue de l'égalité hommes-femmes, Irina Bokova souhaite simplement bénéficier du même traitement qu’un homme. Depuis qu'elle a commencé son nouveau travail, les attentes se sont multipliées. "Quelle pression !", dit-elle en plaisantant, "je voulais juste être traitée d’égal à égal".
 
L'éducation des femmes, pierre de touche de son mandat

La tâche à accomplir est sans aucun doute considérable. Pour un budget relativement limité, l'Unesco a un mandat très vaste – trop vaste - selon les critiques.

Couvrant la science, l'éducation et la culture, l’organisation traite aussi bien l'océanographie que l'éducation des femmes. Mme Bokova souhaite préserver le rôle initial de cerveau de l'Organisation des Nations Unies sans pour autant négliger les aspects pratiques de son mandat. "Nous devons conserver cette autorité morale, mais nous ne pouvons pas nous limiter à ce rôle intellectuel. Nous devons être présents sur le terrain pour faire avancer nos idées".

Au sein de l’Unesco, Mme Bokova a l'intention d’adopter pour son projet une approche interdisciplinaire. Elle est convaincue que l’aura du mandat de l'Unesco est sa force dans un monde de plus en plus complexe et qu'il est en phase avec les défis de la mondialisation. L'Unesco se caractérise par sa capacité à combiner les différentes disciplines, en faisant le lien entre des domaines à première vue aussi disparates que la diversité culturelle et le changement climatique.

L’objectif de son ambitieux programme est de façonner un "nouvel humanisme pour le 21ème siècle". Elle reste cependant réaliste quant à son rôle. Elle souhaite être l'avocate de la réforme de l'institution. Originaire d’Europe orientale, elle s’y connaît en matière de mise en œuvre de profondes réformes. Elle a donc l'intention d'influencer les orientations et les choix de l'organisation pour se concentrer sur les objectifs du Millénaire et sur une campagne d'éducation pour tous, les filles en particulier.

"L'égalité des sexes est un des programmes les plus humanistes. Depuis la Conférence de Pékin en 2000, ce sujet est demeuré en retrait. Avec la crise économique et la mondialisation, les défis pour l'éducation des femmes se sont intensifiés : deux tiers des personnes illettrées dans le monde sont des femmes et des filles. L'éducation des femmes a des retombées importantes en termes de santé et de bien-être des sociétés".

Mme Bokova apportera aussi une touche de fraîcheur à cette institution poussiéreuse. Son expérience de la vie dans une société communiste a mis au premier plan la liberté d'expression et les idées iconoclastes. Sous son autorité, aucun débat ne sera tabou dans l'enceinte de l'Unesco. Décidée à placer Voltaire avant le politiquement correct, elle invite les responsables religieux, les intellectuels, les universitaires à exprimer leurs points de vue.

Elle est également farouchement opposée au choc des civilisations. "Je n'y ai jamais cru, peut-être pour des raisons personnelles. Je viens d'un pays de diversité".

Sa famille était originaire d'une petite ville de la campagne bulgare, où jusqu'à 80 % de la population était de confession musulmane. Lors de ses visites chez sa grand-mère, elle a baigné dans une atmosphère où les voisins célébraient les différentes fêtes religieuses ensemble – partageant les cadeaux à Pâques ou à l’occasion d'autres fêtes traditionnelles.

À ses yeux, la mondialisation a donné lieu à une plus grande confusion et, paradoxalement, a multiplié les conflits et l'aliénation dans le monde.

L'Unesco estampillée Europe

Si ses responsabilités sont mondiales, Mme Bokova entend dans son nouveau poste imposer ses convictions européennes. "Nous ne travaillons pas assez avec l'UE. Le potentiel est énorme".

Elle a déjà rencontré plusieurs membres de la nouvelle Commission qui travaillent sur des domaines similaires à l'Unesco : la culture, l'éducation, l'innovation et l'aide humanitaire. L'Unesco coopère par exemple étroitement avec l'UE sur les programmes humanitaires en Haïti.

Elle avancera ses pions en ouvrant un bureau à Bruxelles pour renforcer les liens avec l'Union européenne et mettra en place un plan d'action stratégique pour une plus grande coopération entre les deux organisations. L'un des domaines clés de cette coopération sera le rapprochement entre la bibliothèque numérique mondiale de l’Unesco, qui réunira les ressources de 33 bibliothèques internationales et le projet européen Europeana, qui poursuit les mêmes objectifs.

Son plus grand défi sera de communiquer sur son travail. Qui sait ce que l'Unesco fait et pourquoi ? Mme Bokova admet volontiers que l'institution souffre d’un problème d'image qui mine sa crédibilité. "Nombre d’actions remarquables de l'Unesco ne sont pas connues, donc quand il s'agit de se prononcer sur les ressources, les pays ne sont pas disposés à allouer les fonds" explique t-elle.

"Qui sait, par exemple, que les recherches océanographiques de l'Unesco ont donné lieu à la création d'un système d'alerte des tsunamis qui a déjà sauvé des vies dans les îles Salomon" s’interroge t-elle.

Elle a fait de la communication aux médias une priorité de son mandat. Signe qu’il reste des progrès à faire, ses conférences de presse régulières demeurent une mini-révolution pour l’organisation. Lentement mais sûrement, elle change la stratégie des communications, retouche le site web et crée une unité spéciale chargée de la rédaction de discours.

Tandis qu’elle développe ses vues sur la communication, son conseiller de presse l’interrompt pour lui rappeler l’heure. Il est temps pour nous de prendre congé et pour Irina Bokova de passer à la réunion suivante. Au terme de ce court entretien, on part avec le sentiment d'avoir rencontré quelqu'un qui a vécu intensément et qui a encore beaucoup à donner à son mandat à la tête de l'Unesco, et qui sait, un jour peut-être à la tête de l'Union européenne ... ?

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