LES FAUX VISAS BULGARES À LA BARRE
A l'automne 2000, l'affaire avait mis la diplomatie française sur la sellette : des prostituées bulgares interpellées à Strasbourg en possession de visas d'affaires, la mise en examen de l'ambassadeur de France à Sofia, des soupçons de complicité de proxénétisme pesant sur la représentation française en Bulgarie et sur un industriel bien introduit dans les milieux consulaires... Six ans plus tard, le parfum de scandale s'est dissipé et la thèse du réseau de proxénétisme est abandonnée. Les quatre prévenus qui comparaissent depuis hier devant le tribunal correctionnel de Strasbourg, dont l'ex-ambassadeur Dominique Chassard, 64 ans, sont uniquement jugés pour «fourniture frauduleuse habituelle de documents administratifs indus». Et même si le président François Wendling évoque «un complexe touristique de Sofia fréquenté par des hommes politiques bulgares et des membres du corps diplomatique, avec soirées pimentées par des jeunes femmes très avenantes», c'est davantage sur les relations diplomatiques que sur les lupanars qu'il se penche.
Selon l'enquête, au moins 195 demandes frauduleuses de visas (établies sur la base de fausses invitations en France), dont deux pour des prostituées, auraient reçu le blanc-seing de la diplomatie française. Rudy Demange, 54 ans, ex-chef du service des visas, affirme qu'il ne pouvait pas tout contrôler : «J'avais jusqu'à 630 dossiers par jour, ça fait en moyenne trente-deux secondes par dossier !» A l'automne 1999, les demandes de visas ont explosé : 1 500 en octobre, 9 000 cinq mois plus tard. Chassard explique qu'au printemps 1999, au moment de sa prise de poste, il avait reçu du Quai d'Orsay et de l'Elysée la consigne «d'utiliser à plein les possibilités de faciliter la délivrance des visas : c'était la question numéro 1 qui nous valait des campagnes de presse [en Bulgarie] et des critiques du gouvernement...» L'enjeu est de savoir si les prévenus ont «facilité la délivrance des visas» au point de laisser passer délibérément des faux documents. «Les agents consulaires ne sont pas des flics», aurait tranché l'ambassadeur, propos rapportés par la DGSE mais contestés par l'ex-diplomate. On nage en eaux troubles. Le tribunal a jusqu'à demain pour y voir plus clair.