GIBRALTAR, OBJET DE DISCORDE
Le Royaume-Uni qui aime se distinguer du continent est seul à avoir encore en cette année 2004 une colonie en Europe, nommée Gibraltar. Conquise sur l'Espagne en 1704, elle s'étend sur 6 petits kilomètres carrés mais jouit d'une position imprenable, au sud de la péninsule ibérique, commandant le détroit entre l'Europe et l'Afrique qui voit passer chaque année 70 000 navires. Sur le plan juridique Londres est inattaquable. Car sa conquête a été avalisée par le traité d'Utrecht en 1713 d'après lequel l'Espagne a cédé sa souveraineté sur ce micro-territoire. Sur le plan politique c'est évidemment une autre affaire. Ce dernier vestige d'une époque coloniale ne correspond plus à l'histoire contemporaine, surtout depuis que l'Espagne et le Royaume Uni appartiennent à la même Union européenne. Les gouvernements de ces deux pays ont donc essayé à plusieurs reprises de mettre fin à cette bizarrerie, mais sans succès.
La dernière tentative de négociation lancée en 2001 s'est heurtée aux habitants de Gibraltar eux-même qui ont organisé un référendum pour dire leur sentiment. A 98,9%, ils ont repoussé l'idée de la souveraineté partagée qu'étaient en train de leur concocter Londres et Madrid. Car les 30 000 habitants de Gibraltar ont pris goût à l'indépendance que leur assure l'éloignement de leur puissance tutélaire. Et ils ne veulent pas surtout pas se retrouver sous la coupe de l'Espagne. Gibraltar est aujourd'hui autonome grâce à sa place off-shore, autrement dit son paradis fiscal qui compte autant sinon plus de sociétés que d'habitants. C'est aussi un port qui gère l'activité économique du détroit et une étape touristique renommée pour touristes nordiques en mal de sensations méditerranéennes sans trop de dépaysement.
Après le référendum les choses ont donc été gelées. Mais le changement de gouvernement à Madrid a rendu le climat plus électrique. Le nouveau ministre espagnol des affaires étrangères ne perd pas une occasion de rappeler Londres à la retenue face à cette étrange occupation militaire à laquelle il souhaiterait mettre fin. De leur côté les Britanniques qui ont un goût très prononcé pour les cérémonies commémorant leurs victoires ne peuvent s'empêcher de tomber dans une certaine provocation. Le 300 ème anniversaire de la prise de Gibraltar a donné lieu à la visite en juin de la princesse Anne puis en juillet à l'escale d'un sous-marin nucléaire. Aujourd'hui c'est le point d'orgue avec une parade militaire en présence du commandant de la marine et du ministre de la défense de sa Majesté. On a échappé de peu à une reprise de la politique de la canonnière.
RFI