L'ALLEMAGNE ENCORE COUPÉE EN DEUX
Les paysages en fleurs promis en1990 par Helmut Kohl à ses nouveaux concitoyens de l'ex-RDA sont restés pour la plupart en friche près de quinze ans plus tard. Et l'euphorie de la fin du communisme a fait place à l'Ostalgie. Cette nostalgie qui atteint les habitants de l'est du pays. Dévastée par le passage à la loi du marché, l'économie de l'ex-RDA n'en finit pas de s'adapter malgré les milliards d'euros déversés chaque année. Elle n'offre plus aujourd'hui à ses habitants que 6 millions d'emplois contre 9 et demi en 1989 avant la chute du mur. Un coût social qui se règle dans les urnes. Aux dernières élections européennes au mois de juin, le parti social-démocrate du chancelier, censé défendre les intérêts des plus pauvres, a subi sa plus grande déroute depuis l'après-guerre. Tandis que l'héritier du parti communiste, le PDS, devenait le deuxième parti du Land de Thuringe lors d'élections organisées le même jour. Ce vote de défiance s'adresse évidemment à Gerard Schroeder qui, non seulement ne parvient pas à faire baisser le chômage dans l'est du pays, mais applique à l'Allemagne toute entière une politique de réforme qui a le goût d'une amère potion.
Depuis janvier 2003 tout l'arsenal de l'Etat-Providence y passe. Les retraites, les soins de santé, les allocations chômage, les conditions de licenciement sont revus à la baisse. Le dernier volet de cet agenda s'applique en janvier prochain.Il prévoit d'aligner les revenus des chômeurs de longue durée sur l'aide sociale. Et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. A l'est les protestataires ont décidé de manifester dorénavant le lundi soir, exactement comme ils l'ont fait contre le régime communiste à partir de septembre 1989. Une comparaison qui scandalise le ministre de l'économie qui y voit provocation et insulte. Mais les faits sont là. Le désespoir que certains peuvent ressentir aujourd'hui leur fait oublier les tares du régime précédent. Et beaucoup d'allemands de l'est, une fois la liberté reconquise, regrettent la sécurité d'antan, la garantie de travail, de logement et de soins. A la pression de la bureaucratie a succédé celle de l'argent. Et surtout la négation de toute identité est-allemande au moment de la réunification a fait perdre aux habitants des nouveaux Länder une idée de Nation que les autres peuples d'Europe de l'Est ont pu conserver. En 2004 il existe donc toujours une fracture entre les deux parties de l'Allemagne que le chancelier doit réduire s'il veut éviter de voir son pouvoir fragilisé.
Valerie Laine RFI