Présidence bicéphale : l'UE devra éviter la cacophonie
Par Claire Gallen, à Bruxelles, le Figaro.
À partir du 1er janvier, le Belge Van Rompuy et l'Espagnol Zapatero vont devoir expérimenter la conduite de l'Europe à deux.
C'est une petite révolution que l'Europe s'apprête à vivre au 1er janvier : la présidence tournante de l'UE, confiée pour six mois à l'Espagne, devra apprendre à cohabiter avec le président permanent du Conseil européen Herman Van Rompuy. Une hydre à deux têtes qui devra trouver un modus vivendi pour éviter cacophonie et frictions.
Avec le traité de Lisbonne, l'Europe s'est dotée de deux nouveaux postes de premier plan : un président du Conseil, ayant la haute main sur les sommets des chefs d'État et de gouvernement, et un chef de la diplomatie qui présidera les réunions des ministres des Affaires étrangères. Mais cette nouveauté n'abolit pas pour autant la traditionnelle présidence semestrielle, qui dirigera les autres réunions ministérielles. Ajoutez à cela la présence d'un José Manuel Barroso renforcé depuis sa reconduction à la tête de la Commission européenne, et l'embouteillage menace sur la photo de famille de l'UE.
«Le traité de Lisbonne est censé rendre le fonctionnement de l'Union européenne plus efficace, expliquent Thierry Chopin et Maxime Lefebvre dans une analyse de la Fondation Robert-Schuman. Néanmoins, la représentation extérieure de l'Union sera loin d'être complètement unifiée et des risques de cacophonie ne sont pas à écarter.»
Le partage des tâches s'annonce complexe, car il faudra convaincre les États membres d'abandonner les prérogatives liées à leur présidence tournante - une occasion d'imprimer sa marque qui, dans une Union à 27, ne revient que tous les treize ans et demi.
Plusieurs privilèges
L'Espagne, qui essuiera les plâtres de ce nouveau fonctionnement, a arraché plusieurs privilèges : c'est elle qui accueillera les prestigieux sommets avec les États-Unis ou l'Amérique latine prévus au premier semestre. Madrid se défend de vouloir empiéter sur les plates-bandes de la présidence stable, et explique que les préparatifs avaient commencé bien avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
Pour arrondir les angles, José Luis Rodriguez Zapatero a assuré qu'il revenait à M. Van Rompuy, nommé pour deux ans et demi, de conduire «de manière adéquate la fonction de leadership, de direction du Conseil européen».
Preuve toutefois que la cohabitation ne s'annonce pas simple, les deux responsables ont annoncé la création d'une cellule de coordination entre les deux présidences. Vanté ou décrié pour sa discrétion, Herman Van Rompuy ne semble pas prêt à laisser rogner son périmètre d'action. Lors du dernier sommet européen, il avait fait appliquer la règle excluant les ministres des Affaires étrangères des réunions des chefs d'État et de gouvernement. Avant de négocier un compromis autorisant leur présence une fois par an. Autre façon de marquer son territoire, il a convoqué pour février un sommet extraordinaire consacré à la relance économique et au modèle social européen.
Cet assaut feutré de rivalités permettra à la présidence espagnole, puis belge au second semestre 2010, de roder le système. Pour le nouveau président du Conseil, la période de transition servira à imprimer sa marque. La Britannique Catherine Ashton, bombardée chef de la diplomatie de l'UE, aura elle aussi largement de quoi s'occuper d'ici là, notamment en organisant l'ambitieux service diplomatique européen.