01-08-2008
Les enjeux du 5e élargissement de l’Union européenne à la lumière du progrès de la Bulgarie et de la Roumanie un an et demi après leur adhesion…
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„Le rapport de la Commission européenne est objectif – a reconnu le premier ministre Serguey Stanichev. – Il reflète tant les progrès que les problèmes réellement existants sur lesquels nous n’avons pas le droit de fermer les yeux. A ce propos, la position de la coalition au pouvoir est très claire – nous avons 6 mois, voire un an pour mobiliser toutes les énergies, toutes les institutions, pour aller de l’avant et faire de réels progrès, visibles pour les citoyens bulgares et pour nos partenaires européens. ”
L’Etat bulgare est prêt à financer du budget des projets européens stoppés, a assuré le premier ministre Stanichev. Et d’ajouter que la question politique ne se posait pas à lui de sacrifier un ministre ou l’autre, l’important étant de mieux répartir les responsabilités et d’assainir le système d’affectation des fonds européens. „Le rapport sur les fonds européens montre de manière catégorique que l’Union européenne a perdu sa confiance dans l’aptitude du gouvernement bulgare de respecter les normes européennes, d’où sanction ! ” Tel est l’avis d’Ivan Kostov, leader du patri de droite ” Démocrates pour une Bulgarie forte ” en opposition et ancien premier ministre (1997 – 2001).
„En ce sens, ce rapport véhicule une immense déception tant pour l’économie, que pour l’agriculture et la politique sociale de la Bulgarie, car la Bulgarie ne peut s’appuyer sur la solidarité des pays européens riches. Or, sans cette solidarité, faire partie de l’Union européenne ne lui apporte strictement rien. L’admission au sein de l’Union européenne n’a de sens que si nous bénéficions d’un soutien à notre développement, à condition bien entendu d’avoir accepté les règles du jeu et de ne pas s’y soustraire. La gauche bulgare ne comprend pas les messages de l’Union européenne. Et je vois là un profond décalage culturel, une fracture de civilisation. Ce comportement, nous devons le boycotter, s’y opposer, pour sauver le peu qui reste du prestige de notre pays et pour montrer à l’Union européenne que ceux qui aujourd’hui gouvernent la Bulgarie n’ont rien à voir avec ses citoyens.”
Le ton critique de la Commission européenne à l’égard du gouvernement bulgare a mis à mal les Bulgares, certes, mais a sussicté aussi leur approbation. Selon les résultats d’un sondage réalisé par l’Institut Alpha Research, 40% des personnes interrogées sont tout à fait d’accord avec la pression de la Commission européenne exercée sur le gouvernement bulgare au travers des sanctions financières. Nous observons une évidente et profonde radicalisation de l’opinion publique et l’on peut dire, sans exagérer, que la crédibilité de l’élite politique aux yeux des Bulgares est partie en fumée. Tel est l’avis de la sociologue Mira Yanova qui s’appuie sur les résultats d’un sondage tout récent. “Je constate que d’une manière ou l’autre, les citoyens bulgares partagent les critiques et les exigences formulées à l’égard du système judiciaire, du gouvernement et du pouvoir législatif, ce qui est un argument de plus en faveur des positions de la Commission”, a dit de son côté Guergana Grantcharova, ministre bulgare chargées des questions européennes.
Le 23 juillet, la Commission européenne publiait en même temps ses rapports sur le progrès de la Bulgarie et de la Roumanie, les deux pays faisant toujours l’objet d’une surveillance spéciale et rapprochée de la part de Bruxelles ce qui s’explique par l’identité de leurs problèmes et difficultés. Nous avons contacté Luca Niculescu, rédacteur en chef de RFI-Roumanie, qui nous a dépeint la situation dans son pays après la parution du rapport de la Commission européenne et les réactions des Roumains:
“ Il y a eu deux sortes de réactions. Tout d’abord la réaction des autorités roumaines, qui ont dit que c’était un rapport équilibré, juste, réaliste, qui mettait en avant les progrès faits par la Roumanie dans la lutte contre la corruption, en remarquant le role de la Direction Nationale Anti-corruption, ainsi que le rôle de la nouvelle Agence Nationale pour l ‘Intégrité, qui est une sorte de superpolice, destinée à verifier les comptes des officiels roumains. La réaction des gens est un peu moins bonne ! Ils se disent que malgré les progres notés par la Commission europeenne, il y a toujours des problèmes dans la justice roumaine. Au jour le jour on voit que les procès durent longtemps, que les solutions ne sont pas toujours les mêmes selon la ville, dans laquelle il y a un procès. Donc on peut avoir une décision de justice différente sur le même procès si on est à Brasov ou à Bucarest. Et il y a aussi un problème concernant la grande corruption. Les gens ont vu que meme s’il y a un tapage médiatique très fort depuis des années sur les cas de grande corruption, aucun proces n’a pour l’instant abouti, alors que une dizaine d’actuels et d’anciens ministres ont été mis en cause et leur procès n’ont pas abouti. ”
Comment expliquez-vous le ton plus positif du rapport concernant la Roumanie que celui utilisé pour la Bulgarie ?
„ Je pense qu’il y a des causes objectives et des causes un peu subjectives. Les causes objectives c’est que, vu de l’extérieur, la situation en Bulgarie apparaît en fait moins bonne, que celle de la Roumanie. La Roumanie ne connaît pas le crime organisé, qui existe en Bulgarie et puis il n’y a pas eu ce probleme d’accusations de détournements de fonds, qui existe en Bulgarie. Donc ce sont deux problèmes précis, que la Bulgarie a et que la Roumanie n’a pas ! Et puis il y a aussi une dimension plus subjective. D’apres ce que j’ai compris en parlant avec des officiels à Bruxelles, c’est que la Roumanie a su mieux présenter ses dossiers, c.a.d. que les officiels roumains, si vous voulez, ils ont fait en quelque sorte un lobby plus positif pour leur cause par rapport aux officiels bulgares. ”
Comment les citoyens européens voient-ils le 5e élargissement de l’Union européenne dans le contexte des problèmes révélés en Bulgarie et en Roumanie ? Nous avons posé cette question à Youliana Nikolova, directrice de l’Institut européen :
“ J’ai déjà abordé cette question il y a quelque temps. Je me souviens à ce propos que lorsque la Commission de politique étrangère du Parlement européen déposait le rapport sur le 5e élargissement, son préambule a fait l’objet de violentes discussions concernant le choix des termes employés. Certains y voyaient l’illustration d’un ” immense succès ”, d’autres penchaient pour un ” succès tout court ”. A la question de savoir pourquoi un « succès tout court » la réponse cinglante a été : ” Voyez la Bulgarie et la Roumanie ! ”. Et j’ai eu beaucoup de peine à entendre cela… L’Europe est inquiète pour nous et à cause de nous, il est grand temps que nous aussi, nous prenions conscience de la gravité de la situation et que nous fassions tout pour calmer les peurs. Je suis attentivement la réaction des politiques. Pour l’instant, ils parlent beaucoup, mais parler et agir sont deux choses différentes. Alors, laissons les faire…Mais je n’oublierai jamais la première réaction d’un député socialiste à la radio reccueillie sur le vif après l’annonce des rapports de la Commission européenne, il a tout simplement dit que le rapport sur la Bulgarie faisait état des progrès réalisés par le pays. Désolée, mais ce n’est pas comme cela qu’on rebondira et que l’on décollera du fond ! ”.
“ Je ne suis pas du tout surprise, je pense même que si c’était moi qui avais rédigé le rapport, le ton aurait été beaucoup plus cinglant – nous confie la juge Nelly Kuzkova, porte-parole de l’Union des magistrats. – Le système judiciaire bulgare est truffé d’imperfections et de faiblesses. Déjà que sa structure constitutionnelle est pour le moins aberrante, puisque mélangeant l’instruction, le parquet et le tribunal, imaginez quand il y a des critiques à son égard, nul ne sait à qui elles s’adressent véritablement. Les Bulgares ne se sentent pas en sécurité, ils ressentent un déficit de justice, ils voient que les crimes restent souvent impunis… J’ai souvent l’impression de vivre dans un monde parallèle, et je partage tout le mécontentement de la société.”
L’échec de la Bulgarie peut-il être considéré comme un échec au 5e élargissement de l’Union européenne qui mettrait en péril la suite de ce processus ? La réponse de Guéorgui Lozanov, maître de conférences, expert dans le domaine des médias :
“ Je crois que oui, la menace est là, car les anciens pays membres et l’Union européenne en général se posent de plus en plus de questions sur les tenants et les aboutissants de l’intégration. Ce n’est pas facile d’être à la hauteur de son appartenance européenne. La Bulgarie pour l’instant ne fait pas partie de l’Europe, et je parle là de l’Europe des valeurs partagées. La Bulgarie s’est permis de ne pas respecter les règles du jeu européen, d’où le carton de la Commission européenne. Voilà ce que dit en substance le dernier rapport ”.
Le renforcement des critiques de Bruxelles à l’égard de Sofia et de Bucarest pourrait apporter de l’eau au moulin des opposants à la poursuite de l’élargissement de l’Union européenne. Quel impact, les problèmes de la Bulgarie, auront-ils sur ce processus ?
“ Chaque secousse au sein de l’Union européenne est un défi lancé à ses politiques – dit Guergana Grantcharova, ministre bulgare chargée des questions européennes. – Dans cette optique, les problèmes liés au mauvais fonctionnement des systèmes judiciaires, à la mauvaise gestion des fonds européens ou autres ne manquent pas de susciter des tensions. D’un autre côté, les changements en profondeur, surtout quand il s’agit du système de la justice ou des affaires intérieures s’inscrivent dans un processus long et complexe. Et je pense que plus l’Union européenne fonctionnera mieux, plus audibles seront les voix de ceux qui pensent que le processus de l’élargissement ne doit pas s’arrêter. Et la Bulgarie qui appartient à la région dont les perspectives européennes sont les plus proches, doit être doublement engagée et motivée pour faire aboutir les réformes et ne pas entraver ce processus européen. Je pense donc que le rapport de la Commission européenne, au-delà de ses critiques, peut servir de plan d’action et donner lieu à des actions concrètes pour les 6 mois à venir ”.
La Bulgarie est-elle en mesure de sauver sa réputation ?
“ De toute façon, elle n’a pas le choix ! Nous n’avons pas le choix, si le pays a une bonne image, ses citoyens ont aussi le moral au beau fixe, et vice versa ! Maintenant, tout est une question de rapidité. Adopter rapidement des mesures adéquates pour corriger le tir, c’est tout ce que nos partenaires européens attendent de nous. Et si les bonnes mesures sont prises, les résultats ne tarderont pas. Et les citoyens bulgares pourront relever la tête... ”
Lors de la présentation des rapports d’étape, le porte-parole de la Commission européenne, Johannes Laitenberger a souligné plus d’une fois que les critiques formulées n’avaient pas pour but de décourager Sofia, bien au contraire elles se voulaient salutaires, incitatives à la recherche d’une solution rapide aux problèmes. Car Bruxelles n’est pas dupe, l’Union européenne ne peut fonctionner normalement et convaincre du bien-fondé de son élargissement que si seulement ses règles de conduite sont partout appliquées, partout respectées…
Et c’est la fin de ce programme diffusé par Radio Bulgarie Internationale, RFI-Roumanie et Yvelines Radio de France au titre du projet „Maintenant – agissons avec le Parlement européen”, réalisé par l’Institut européen avec le soutien financier de la Direction „Communication” du Parlement européen. Vos questions, réactions, suggestions, commentaires et propositions sont les bienvenus à notre adresse électronique info@europe.bg Nous vous invitons également à vous rendre sur le site http://parliament.europe.bg
Iliana Raïchéva, Roumiana Zvétkova, Vénéta Nikolova
Présenté par Sonia Vasséva